Territoires du cinématographe IX


Journal d’une résidence de création artistique et de médiation culturelle en Ardèche

La lectrice ou le lecteur souhaitant connaître la raison d’être de ce journal peut en lire l’introduction, exposée en préambule à sa première livraison 1.

Neuvième partie : extension des territoires, 21 mai – 30 août 2021

Bourg-de-péage, vendredi 21 mai 2021

L’extension drômoise de mes Territoires du cinématographe aurait dû être inaugurée il y a longtemps, à la rentrée scolaire de l’année dernière, je l’ai certainement déjà écrit. J’aurais notamment dû suivre les animations en collèges et lycées à l’automne, activité que je n’ai pu photographier en Ardèche et aimerais raconter en Drôme. S’il n’en fut rien c’est essentiellement parce qu’en 2020 septembre avec son air trompeur sentait déjà octobre et le retour à la claustration. Le 28 de ce mois-là les cinémas furent une nouvelle fois fermés sine die et les rencontres dans les écoles redevinrent sinon interdites du moins soumises au rythme décousu du calendrier scolaire extraordinaire. Le 29 avril 2021 leur fut consentie une date de réouverture. C’était avant-hier.

Entretemps Mickaël Le Saux m’a mis en contact avec les médiatrices des Écrans qui interviennent dans les établissements de Drôme et d’Ardèche. Parmi elles, Adrianna Tep, avec qui je célèbre aujourd’hui cette renaissance en entrant enfin dans ces deux territoires inexplorés de ma résidence : la Drôme et l’éducation au cinéma. Il y a aussi avec elle Cécile Herreman, médiatrice pour les cinémas de Romans. J’irai certainement la voir un de ces jours. Adrianna Tep a organisé une rencontre au collège de l’Europe de Bourg-de-Péage avec Noël Fuzellier, réalisateur de Mars Colony 2, un court métrage de science-fiction qui, privé de sortie en salle, n’a été montré que dans des festivals en ligne. Deux classes ont vu son film. Elles se succèdent face à lui avec leur professeure et leurs questions. La rencontre se tient dans une salle lumineuse et vaste où je puis jouer avec les contrejours et les vides de l’espace pour essayer de tirer de ce qui a lieu quelque chose qui veuille bien ressembler à une photographie. Le réalisateur est masqué. Les élèves et les enseignants aussi. Du masque de Noël Fuzellier transpire son bonheur d’être là, et de retrouver enfin un contact physique avec des êtres humains qui ont vu son film, en ont pensé quelque chose et le lui disent face à face – ou plus précisément demi-face à demi-face. Les mômes récitent leurs questions, mi-intimidés mi-excités. De leurs masques à eux transpire un sentiment que je n’irais pas jusqu’à qualifier de bonheur, tant ils vivent au rythme de la sonnerie d’intercours et tant leur rapport à l’école reste formalisé par la hiérarchie et l’obligation. Mais tout de même, ils sont présents, et au-delà de la figure imposée d’avoir dû réfléchir à ce film, il est manifeste que dans quelques-unes de leurs têtes cette fiction a ouvert un espace de liberté où l’imaginaire s’est mis en branle tout seul, ce qui rend cette rencontre belle et dynamique.

Cela dit j’ai toujours autant de mal à voir par-delà les masques, donc à produire des images qui parlent au-delà des masques. À la faveur de cette première sortie depuis huit mois je comprends que je vais être obligé de repenser ma résidence et, avec elle sans doute, mon rapport à la photographie. En photographie documentaire le contexte force le sens, y participe et potentiellement le sape. La demande à laquelle je me suis engagé à répondre est de dire « cinéma et territoires ». Or, dans le temps prévu pour cela, territoires et cinéma sont comme la plupart des activités humaines entrés dans un régime de contraintes. Situation en dépit de laquelle il m’a longtemps semblé évident que mon travail consistait à ne dire que « cinéma » et non « cinéma sous contrainte ». J’inférais cette évidence de la nature même de ces contraintes : temporaires ou espérées telles, et sans lien consubstantiel avec le cinéma. Jusqu’ici je me suis donc ingénié à évacuer de mon langage les traces de ces contraintes – les masques et la signalétique sanitaire –, persuadé que si je les y intégrais elles videraient mon travail de tout autre propos qu’elles-même. Cela dit, pour l’instant, un tel risque est à nuancer. Une partie du lectorat, pris quotidiennement dans ces contraintes, aurait sans doute le réflexe de faire abstraction des masques visibles dans les images pour y lire ce que nonobstant elles essaient de dire. On peut en tout cas le supposer. Mais d’ici quelques années, s’il advient que le masque soit relégué au rang de relique d’une époque oubliée, sa récurrence dans les images ne deviendra-t-elle pas sur-signifiante, au point où celles-ci ne diraient plus que « contrainte », et plus du tout « cinéma » ?

Quoi qu’il en soit, jusqu’à l’été dernier je me suis débrouillé pour continuer de photographier le cinéma en Ardèche en réduisant le masque à un problème technique à résoudre : un obstacle guère plus embêtant à contourner que celui du droit à l’image. Contournement d’ailleurs facile puisqu’à l’époque, s’il était obligatoire de garder le masque dans la fille d’attente, une fois en salle on pouvait le baisser. Huit mois plus tard dans ce collège de Bourg-de-Péage, l’exercice de la prise de vues avec public m’oppose un obstacle à présent infranchissable. Si je photographie la rencontre dos à Noël Fuzellier je fais face à trente adolescents bâillonnés. Dos à eux, à un réalisateur bâillonné. Ce qui ne veut pas rien dire.

La question que je me pose alors est de savoir si le régime de contraintes dans lequel nous vivons n’est pas en train d’altérer si profondément le cinéma et ses usages qu’il modifie durablement ses conditions d’existence et sa capacité à proposer des histoires et suggérer du sens. Je ne suis pas armé pour répondre à cette question, mais à l’échelle de ma résidence une autre en découle : mon travail n’a-t-il pas changé de nature ? M’évertuer à ne dire que « cinéma » en niant les contraintes qui s’installent dans son paysage, n’est-ce pas une manière un peu lâche de taire ce qui est peut-être un mutation fondamentale de l’histoire de cet art, au motif que ce n’est pas ce qu’on m’a demandé, sans voir que ce faisant je suis peut-être en train de nier le cinéma lui-même ? Les éventuelles réponses à ces questions dépendent probablement de la pérennité de ces contraintes et de la profondeur de cette évolution – deux facteurs indécidables mais aux conséquences potentiellement irréversibles. Pour le dire autrement et de façon brutale : sous la forme que nous lui avons connue jusqu’ici le cinéma n’est-il pas en train de disparaître, et moi, de m’obstiner à le photographier tel qu’il était plutôt qu’à documenter ce qui lui arrive ? Possible. Mais d’un autre côté les images manquantes ont aussi un sens, et la photographie n’est pas mon seul outil. Or l’écriture ne m’oppose pas les mêmes problèmes que l’image. Ce journal existe précisément pour prendre en charge ce que je ne parviens pas à dire par la photographie, que ce soit par choix, par contrainte ou par insuffisance. Et j’ai la sensation qu’au fil de ses livraisons – à vérifier, je ne l’ai pas relu intégralement avant d’avancer cette idée –, les réflexions sur les contraintes imposées au cinéma prennent de plus en plus de place. Ainsi, peut-être suis-je effectivement en train de produire, plus ou moins consciemment, a minima par ce journal, un document chronologique de la transformation de ce que nous avons pris l’habitude de nommer cinéma… Mais peut-être me trompé-je. Ce qui est menacé par la mésaventure humaine actuelle et le processus d’atomisation des usages qu’elle accentue, ce n’est peut-être qu’un rouage du système industriel de fabrication et de diffusion des films. Et peut-être faut-il alors se dire que le temps présent n’empêche personne qui en aurait les moyens de raconter une histoire ou de créer du sens cinématographique, indépendamment de la possibilité ou non de sa diffusion ? Nous verrons bien…

Nyons, vendredi 4 juin

Comme il l’avait fait en Ardèche, Mickaël a adressé récemment un courriel aux exploitants des salles drômoises du réseau des Écrans pour leur rappeler l’existence de ma résidence de création photographique et mon souhait de les rencontrer – ou leur possibilité de m’accueillir, selon le point de vue.

À l’Arlequin de Nyons Mylène Georgel a répondu dans l’heure. Je suis passé la voir ce matin pour lui présenter le projet, mais d’abord pour qu’elle puisse associer un nom à un visage – nous n’avions jamais parlé en d’autres occasions qu’avant ou après une séance et ne nous connaissions que de vue, quoique de longue date. Elle a sorti sa petite table ronde et deux chaises devant le cinéma. Nous avons pris le café et, entre état des lieux et souvenirs, rempli l’agenda d’événements à photographier. Plusieurs séances en plein air en juillet et août à Mirabel-aux-Baronnies, juste à côté, et dès lundi, des séances scolaires à L’Arlequin. Le moins que l’on puisse dire est que l’enthousiasme de Mylène est communicatif. Je repars de L’Arlequin avec l’impression que mes Territoires drômois existent plus concrètement qu’en arrivant. D’ailleurs si je voulais les étendre au Vaucluse – elle exploite aussi le Florian de Vaison –, Mylène ne demanderait pas mieux.

À cet Arlequin, alors tenu par son père, Jean-Claude Georgel, et à la médiathèque départementale, notre arrivée en France il y a vingt ans doit une bonne part de sa joie, de sa réussite et de son éblouissement. L’autre part, nous la devons à la force du territoire et à la fidélité des amitiés. Quittant Bruxelles en 2001 nous avions quitté l’Aremberg de la galerie de la Reine, le Styx de la rue de l’Arbre bénit et l’Actor’s Studio de la rue de la Fourche, pour retrouver ici en quelque sorte les trois en un, les baronnies provençales autour. Olga fréquenta L’Arlequin dès ses premières journées terrestres, d’abord dormant dans un couffin bercée par le son du film, abritée de la lumière par un foulard. Elle pleura pour la première fois au cinéma vers l’âge d’un an lors d’une projection de Samsara de Nalin Pan 3, dont par conséquent nous ne vîmes pas la fin. Par la suite chacun de nous trouva son propre chemin dans la programmation de L’Arlequin, souvent se recoupant l’un l’autre, puis de moins en moins. Quant à la médiathèque de Nyons, une adhésion annuelle d’un montant symbolique donnait accès à un univers de musiques, de films, de bandes dessinées et de littératures assez vaste pour nourrir plusieurs vies. Son équivalent bruxellois du Passage 44 fut vite oublié, où le disque compact se louait cinquante francs belges la semaine, auxquels il fallait ajouter septante ou cent francs pour en garder trace sur une cassette. Au mieux, trois euros la découverte. Je découvrais lentement.

J’ai écrit à Jean-Claude Georgel mais il ne m’a pas encore répondu. Lui aussi ne me connaît que de vue. La dernière fois que je l’ai vu c’était à Montaulieu, au-dessus des Pilles, à l’occasion de la petite cérémonie en hommage à Nigel Stoneley en 2018. Nigel était un camarade de Kevin Ayers et Daevid Allen, lequel avait acheté là-haut une ruine en 1969. La petite troupe de Gong vécut à Montaulieu une partie de l’année 1971 4, celle du Camembert électrique. Nigel est resté. Il était un fidèle de L’Arlequin. Pieds nus dans ses sandales qu’il neige ou vente, Nigel faisait Montaulieu-L’Arlequin-Montaulieu sur son scooter plusieurs fois par semaine à mon avis, il faudra que j’en demande confirmation à Jean-Claude. Ses nièces m’ont permis de photographier sa maison avant qu’elle ne soit vidée. Ce sont des images qui n’ont été faites que pour elles et deux ou trois autres personnes, et vues d’elles seules. Elles n’ont pas d’autre ambition. J’en ai peu d’autres de cette sorte. Je les aime pour ce silence et cette modestie. Je m’égare. J’aimerais beaucoup interviewer Monsieur Georgel. Mylène m’a promis de lui dire de lire ses courriels !

Nyons, lundi 7 juin

Je suis vers 9 heures à L’Arlequin. Le temps de mesurer la lumière dans le hall et dans la grande salle et et les tout petits arrivent, trois ou quatre ans, de Sainte-Jalle je crois. Je n’ai plus vu d’humains dans une salle de cinéma depuis le mois d’août à Lussas. Ils sont magnifiques. Trop jeunes pour porter le masque, je redécouvre la sensation d’avoir une histoire photographique à raconter. Monté sur la scène pour faire quelques images, je me présente aux institutrices en les rassurant sur le fait que celles-ci ne sortiront pas de mon ordinateur sans leur autorisation, et que de toute façon la pose sera suffisamment longue pour que nul ne soit reconnaissable. Et elles de me détromper : « vous faites comme bon vous semble, nous avons l’autorisation de tous les parents ». Si c’est comme ça, je prends une photo de groupe à vitesse rapide où tous les enfants agitent leur main vers moi. J’adore. Comme j’ai aimé cet âge d’Olga ! Tous les âges, mais celui-là me semble être passé si vite. Je ferais bien instituteur, tout à coup. Je pense à Neil Young : Why are you growin’ up so fast / My boy? / Oh, you’d better take your time…

Nyons, mardi 8 juin

Deux autres classes ce matin, de Curnier et Condorcet. Je reviens à la même heure et complète mes images. Oublié que les fauteuils de l’autre salle étaient verts. La température de couleur est différente et plus délicate à régler. Le temps que je m’occupe de cette classe-ci, l’autre est déjà installé et le film lancé. Un peu engourdi, Lecloux, après tous ces mois l’appareil dans le sac.

Crest, mercredi 9 juin

Parti vers Crest ce matin, direction le collège François-Jean Armorin. Margot Deschamps, qui travaille au Navire de Valence et comme médiatrice aux Écrans, y présente un exposé sur les musiques de films et leurs liens avec l’image. Je crois toujours que Crest n’est pas loin et qu’une heure suffit pour y parvenir depuis Nyons, mais c’est un peu juste. Lorsque j’arrive j’ai à peine le temps de saluer Margot et Alain Giuge, l’enseignant qui nous accueille, tous deux déjà masqués. Ils m’emmènent jusqu’à la salle où nous attend une classe de troisième. Photographier est difficile. La salle est petite, offrant peu de recul. L’énergie générale est faible. Le diplôme national du brevet approche (les 28 et 29 juin) et la chaleur s’installe. L’imminence du premier semble bercer les élèves dans une résignation molle, et la seconde les rend vaguement apathiques. Margot parvient à en réveiller quelques-uns et même, avec le « What a wonderful World » de Louis Armstrong sur des scènes de guerre dans Good Morning Vietnam 5, à leur faire pointer l’opposition entre le sens de la chanson et l’horreur des images. Je me demande ce que Robert Bresson aurait dit de cette scène. Étrange toutefois d’écouter parler quelqu’un pendant une heure sans connaître son visage. Une seconde intervention était prévue avec d’autres élèves, mais annulée, leur classe ayant dû être fermée à cause d’un élève malade. Alain Giuge nous offre un café en salle des professeurs. J’aurai donc fait sa connaissance et, grâce à lui, celle de Margot.

Je lui demande si la prochaine fois, le 15 juin à Portes-lès-Valence, elle accepterait d’ôter son masque pour quelques secondes sur un signe de ma part, le temps d’extraire la scène à ce contexte oppressant, et avoir au moins un point de comparaison, une image, même ratée, mais face à laquelle je puisse rêver à ce que cela aurait pu être. C’est entendu.

Sur la route du retour, quelques doutes. Ce que photographier de tels événements signifie n’est tout à coup plus clair. Je ne parle pas des problèmes posés par le masque, mais de cette impression de n’avoir pas réalisé d’images « plus intéressantes que leur sujet » et moins encore « transcendant leur évidence ». Ce ne seront sans doute que des images d’une intervention scolaire, ne disant pas davantage, si ce n’est l’état d’éveil des adolescents, ce qui n’est pas mon propos : je suis censé parler de cinéma. Or, sauf à la rigueur quand on reconnaît un photogramme de Titanic 6 ou de Good Morning Vietnam, ces images ne parlent pas de cinéma. Et même alors, elles n’en parlent qu’en abyme, donc n’en parlent pas (sans compter que les diffuser soulèverait sans doute une question de droits). En fait, seul le texte ou le contexte permettraient à ces images de parler de cinéma. En outre, le cadre dans lequel ces images sont à faire est si rigide qu’il est quasi impossible de le tordre pour y introduire un peu d’imaginaire. Leur valeur d’indice, pour parler comme Roland Barthes ou Susan Sontag, est plus forte que leur potentiel narratif. Aussi, ni celles d’aujourd’hui, ni celles de Noël Fuzellier l’autre jour, je n’imagine les intégrer à une future exposition. Mais alors, pourquoi partir si loin pour les prendre ?

2e Festival du film de Rivière, Aouste-sur-Sye, Festival Plan large Chine, Lussas, vendredi 11 juin

En route pour Aubenas dans l’après-midi. Demain nous allons commencer à préparer une exposition prévue pour novembre à la médiathèque. J’en profite pour passer par Crest, où se tient depuis hier et jusque dimanche la deuxième édition du Festival international du film de rivière, Les Yeux dans l’eau. Les projections ont lieu à l’Éden en matinée, salle que je verrai donc une autre fois, et l’après-midi à la salle des fêtes d’Aouste-sur-Sye, un peu plus loin le long de la Drôme. C’est un bâtiment art déco tardif (1940), d’un beau vert sombre, à la géométrie accentuée par le lettrage anguleux de la fonction du lieu en façade, et qui détonne gentiment dans le paysage. Je verrais bien François Schuiten transposer cette salle dans une histoire. La co-fondatrice du festival, Stéphanie Gentilhomme, court à gauche et à droite comme une directrice de festival, mais elle trouve le temps de parler un peu autour d’une bière. Folle édition, me dit-elle, donnée pour morte l’année dernière, ressuscitée en catastrophe cette année, sa faisabilité n’ayant été attestée que deux mois avant son inauguration. Deux mois intenses, donc à en rassembler les conditions d’existence. Et le résultat est là : quatre jours de festival, trente-cinq projections centrées sur la fragilité de la biodiversité, et plusieurs expositions en intérieur et extérieur. Aujourd’hui la météo est fatigante : canicule et vent à arracher les expositions. En conséquence, public épars. J’ai tenté quelques images des gens dans la salle, mais décidément pas montrables, avec l’air de salle d’attente d’hôpital que ces masques donnent à n’importe quel attroupement. Au lieu de quoi je photographie une pirogue sur la scène soulignant l’écran d’un trait délicat, et un énorme crocodile en bois sculpté posé sur le bar, fermé, partiellement protégé par des grilles habillées de tissu noir où sont accrochées des photographies de rivières. Dans la salle, s’affairant autour du projecteur, Pascal Nardin, responsable des projections en plein air et des festivals pour la coopérative du Navire à Valence. On cause un moment. Il me donne les dates de projections dans le sud de la Drôme cet été où le Navire assure la logistique. Causé aussi avec un jeune technicien qui travaille à ses côtés pendant les saisons d’été, musicien le reste du temps. A-t-il vu des films ? « Non, des films écolos, je n’ai pas le courage ! » Je comprends bien. Si à chaque film on se dit que la beauté qu’il énonce ne tient qu’à un fil ou que la gabegie qu’il dénonce nous poursuivra pendant des siècles, le moral ne résiste pas longtemps. Cela m’a marqué pourtant. Chacun de nos gestes finit par se résumer à un problème d’équilibre entre être-au-monde et culpabilité. Moi non plus je n’ai pas vu de films ici : je suis parti vers Lussas où m’attendait Philippe pour faire d’autres photographies.

Au cinéma du village se tient jusque dimanche le festival Plan Large, initialement prévu le premier week-end de mars. Organisé par l’équipe et les bénévoles de la Maison de l’image, qui assume l’exploitation de la salle de Lussas, ce sont trois jours de projections dédiés au cinéma chinois contemporain, ponctués de repas conviviaux. J’arrive pour l’apéro après la projection de La Femme des steppes, le flic et l’œuf, de Quanan Wang 7. Le petit hall du cinéma et la salle des fêtes qui le jouxte ont été décorés de lampions, masques, cerf-volants et calendriers de bambou. Retrouvé Philippe en mangeant des kroepoek et des rouleaux de printemps.

Il y a là aussi Claire Poilroux, la libraire du Tiers Temps à Aubenas, debout derrière une excellente table de livres de poésie, histoire, jeunesse, littérature, les meilleurs titres de chez Philippe Picquier, la collection asiatique de Zulma… C’est plus digeste que les kroepoek. Il y a aussi des livres de photographie, dont un qui me fait signe : Chines, de Marc Riboud (1923-2016) chez La Martinière 8, dont la sortie en 2019 m’avait échappé. Je ne savais pas que La Martinière se préoccupait encore de photographie. J’en étais resté à La petite Encyclopédie de la photographie de Brigitte Govignon 9. Or il y a manifestement toujours dans la maison une éditrice au moins sachant diriger un livre utilisant la photographie comme langage – Aude Mantoux, dit l’ours en fin d’ouvrage. Le feuilletant quelque chose se passe. Je reste bêtement suspendu à ces pages, à ces images, ébahi devant une telle conjonction de maîtrise et d’humanité. Ce que c’est moderne et généreux ! Ses icônes mises à part, et son Algérie Indépendance au Bec en l’air 10, il me faut bien admettre que je ne connais pas l’œuvre de Marc Riboud. Je me demande pourquoi. Une partie de la réponse doit tenir à ceci : cherchant à comprendre ce que peut la photographie pour dire le monde d’aujourd’hui, je regarde donc beaucoup de travaux de photographes d’aujourd’hui – que ce soit par curiosité ou, lorsqu’ils y voient matière à un livre au Bec en l’air, par nécessité professionnelle. Or ma capacité à regarder des photographies attentivement s’étiole assez vite, en sorte que c’est ma culture historique qui en pâtit. Une autre raison est certainement mon incompréhension croissante et sans doute un peu bornée pour le champ dans lequel s’inscrit une part du travail de Marc Riboud – le photojournalisme – et pour ce qu’il fabrique. À quoi s’ajoute probablement le fait que même s’il en est parti tôt (1979), Marc Riboud reste dans mon esprit associé à la coopérative Magnum laquelle, à force de se recroqueviller sur ce qu’elle pense devoir être, a fini par se transformer en fabrique du semblable. Il y a sans doute aussi, paradoxalement, l’aura de son nom. Lorsque j’y suis entré à la fin des années 1990, le signifiant « Marc Riboud » me donnait l’impression d’avoir toujours fait partie de la cosmogonie du métier. Je ne m’était même jamais demandé si son signifié était encore en vie tant, à l’échelle du temps photographique, il me semblait avoir existé de toute d’éternité. Une éternité forçant le respect au point d’engendrer chez moi un certain complexe, ou une pudeur, ou une paresse, à aller voir à quoi s’appliquait ce respect. Il n’est d’ailleurs pas le seul maître dont j’ignore l’œuvre pour des raisons similaires, si bien qu’avec tout ça je finis par oublier que les classiques ne le sont pas toujours pour rien et peuvent encore nous nourrir aujourd’hui. Ses images me font du bien. Ses mots aussi. Dans les textes à mes yeux importants écrits par des photographes pour accompagner leurs images il y a la postface de Mike Brodie pour A Period of Juvenile Prosperity 11. L’avant-propos de Marc Riboud à ses Chines l’a rejoint, qui est en fait une synthèse de deux préfaces datant de 1980 et 1996. Je serai heureux de les lire en entier 12. Même s’il savait se mettre où il fallait pour observer le monde en mouvement, on sent bien chez lui que la photographie est secondaire à l’humain et à la vie, et que s’il avait foi dans la photographie, cette fois n’est à la mesure que des doutes qu’elle lui oppose. « Il est difficile de faire le portrait d’une Chine qui bouge si vite. L’image risque d’être floue et même contradictoire ».

Nous parlons de ce livre avec Claire, la libraire, et d’autres choses, notamment du Bec en l’air qu’elle connaît bien, mais aussi de sa maison d’édition, P’tits papiers, qu’elle a dirigée avant de reprendre cette libraire et où elle a d’ailleurs publié l’ami Franck Pourcel. Je lui prends son Riboud.

Les kroepoek, cela ne tient pas au corps. Philippe m’emmène dîner à Aubenas, dont il m’apprend son départ imminent. C’était dans l’air. Tout est allé très vite. Nous parlons de cela, assis dehors au Jaja, quelques mètres en contrebas de la place du château. Philippe est presque chez lui dans ce restaurant. Plus pour longtemps, donc. Il y a beaucoup de monde sur la place, dans les ruelles, aux terrasses. C’est une bonne nouvelle pour les restaurateurs. Mais pour une raison insaisissable je ne parviens pas à me réjouir pleinement. Une part de moi a du mal à se sentir à sa place. Être assis à cette terrasse a quelque chose de vaguement angoissant. Sans doute ai-je perdu cette année le peu qui me restait de sens des foules. Ou alors est-ce le bruit ? Ou l’été, simplement… Disons l’été, pour faire court. J’aimerais bien parvenir à tourner en une phrase juste le sentiment que la saison m’inspire. Dans un feuillet de notes prises en septembre 2014, je retrouve ceci : « Le nom de Paul Nizon a recommencé récemment de flotter dans ma tête, et j’ai machinalement repris en mains Le Ramassement de soi, acheté il y a longtemps, à peine ouvert. J’ai pioché au hasard, et suis tombé sur les entretiens en fin de volume. Et ça marche, j’accroche. Ce qu’il raconte là me parle. Donc ne pas désespérer, et faire confiance à la raison pour laquelle j’achète les rares livres que j’achète : ils viendront toujours bien d’eux-mêmes se frotter à moi le moment voulu. J’apprends dans ce Ramassement que je partage avec Paul Nizon quelques sensations, quelques aversions ou quelques nécessités, sur lesquelles il met des mots que je ne serais pas parvenu à mettre. Que ces choses-là soient nommées d’une part, et partagées d’autre part, voilà un réconfort. Ce ne sont souvent que des banalités : “je déteste l’été, l’immobilisme paresseux et jouisseur”, dit-il. Cela me fait penser à l’affirmation inverse d’Arthur Rimbaud : “Et je redoute l’hiver parce que c’est la saison du comfort !”, laquelle m’a toujours attristé tant j’eusse aimé qu’il l’aime, l’hiver. » Avec du recul, la formule de Paul Nizon a de la force, mais Arthur Rimbaud est plus concis. En tout état de cause, n’écrit pas comme l’un ni l’autre qui veut. Point de formule, donc, pour dire ma méfiance à l’égard de l’été. Je ne me hasarderai pas non plus à en développer les raisons. Cela m’entraînerait dans des territoires où mon aptitude à l’empathie serait en mauvaise posture. Je me bornerai à évoquer l’idée de « corps bruyants », que je creuserai peut-être un jour.

Pour l’instant je me réjouis pour Philippe, qui partira vers de nouveaux horizons professionnels en septembre, horizons alpins en l’occurrence, et j’essaie de me faire une idée de la suite de cette résidence. Mais d’ici là il y a une exposition à imaginer, en ville et à la médiathèque. Ce que nous rentrons faire dans ce qui ne sera bientôt plus son appartement, jusqu’à point d’heure comme on ne dit pas en Belgique, en jouant la discographie d’El Michels Affair.

Aubenas, samedi 12 juin

Réveil avec le soleil. Gymnastique. Douche. Café. Un raga de Gurbachan Singh Sachdev. Les nouvelles népalaises sur le Kantipur en ligne. Philippe émerge peu après. Nous marchons vers le Palace, le vieux cinéma de la ville. En venant du château, on y arrive par un passage sur la voûte duquel je verrais bien collée la photographie du faisceau du projecteur sous le ciel étoilé de Lussas l’été dernier. Mais la surface à couvrir est énorme, huit mètres par cinq, voire plus, et granuleuse. Il faudra demander à Tristan ce qu’il en pense. Le cinéma est fermé par un volet de ferraille. Il y aura des images accrochées dans le corridor qui mène à la petite cour où pendant les Rencontres des cinémas d’Europe de 2019 j’avais photographié sous un barnum une table pliante surmontée de l’affiche du festival collée sur la bâche à l’adhésif orange. Ce serait beau de faire vivre à nouveau ce lieu. Mais impossible d’entrer pour étudier aucune scénographie. Aux dernières nouvelles la Maison de l’image en aurait les clefs mais le rideau est cassé. De plus, Philippe me dit que le Palace ne rouvrira pas. Le mettre aux normes et l’exploiter exigerait un investissement trop lourd. Je n’avais pas compris qu’elle était en sursis lorsque, première d’une longue série de salles ardéchoises, je l’avais photographiée en 2019. Nous marchons vers la médiathèque en rêvant comme à Katmandou et à Thueyts d’images dans la ville. Les murs nus nous sautent au visage en réclamant d’être habillés ! Nous en voyons à chaque coin de rue, de toutes sortes. À la médiathèque aussi, qui n’en manque pas, de murs nus, ni de vitrages. Marie-Laure Alliot-Lugaz, sa directrice, n’est pas moins enthousiaste. Elle voit l’exposition naître avec nous à mesure que nous nous imprégnons du lieu. En outre, elle est une des toutes premières personnes, sinon la première – même Philippe reconnaît n’avoir pas tout lu –, à me dire qu’elle lit ce journal de résidence, et avec plaisir par surcroît. Au bout de la matinée nous cernons une idée, quelque chose comme la vision d’une exposition. J’espère que Philippe trouvera le temps de redescendre de ses alpages pour le vernissage…

Retour à Lussas pour un déjeuner chinois préparé et servi par les bénévoles de la Maison de l’image au milieu des lampions et des masques. Déjeuné en compagnie de Philippe et de Sébastien Gayet, le président de l’association Grand écran qui chapeaute la Maison de l’image. Nous parlons pour la première fois un peu sérieusement de l’idée de faire paraître un livre à l’issue de cette résidence, regroupant une sélection d’images de Drôme et d’Ardèche, les images d’Anne-Lore, et l’intégralité du journal de résidence. Le Président est partant. Vu que le directeur et l’équipe aussi, il ne reste plus qu’à trouver les sous pour l’impression et à convaincre Fabienne… Affaire à suivre !

Revu Claire, la libraire, et sa table de livres. Elle a apporté pour me l’offrir un exemplaire de l’ouvrage dont elle m’a parlé hier, qu’elle a publié en 2007 aux P’tits Papiers, avec les images de Franck Pourcel sur Noailles 13. C’est gentil, merci ! On reconnaît bien l’écriture du camarade Pourcel. Livre sombre toutefois, et prémonitoire : onze ans plus tard, le 5 novembre 2018, huit habitants mourront dans l’effondrement de deux immeubles de la rue d’Aubagne.

Direction le cinéma ensuite, avec l’équipe de la Maison de l’image. Jérome Gouin à la billetterie, Julien Poujade à la présentation du film. Ce sont Les éternels, de Jia Zhangke 14. Ambiances documentaires captivantes, photographie y contribuant. Je traîne de Chine quelques souvenirs bientôt trentenaires, uniquement de territoires annexés par le fer, la poudre et le verbe : Kashgar, Urumchi, Ali, le Mont Kailash, le lac Karakul, Dunhuang, Turfan, Golmud, Lhassa – des trains, des camions et des bus les reliant… Souvenirs auxquels mon cerveau ne peut s’empêcher de chercher à ramener ce film, puisqu’ils sont le seul savoir subjectif que j’ai de la Chine. En vain. Dès lors, sentiment presque éblouissant de pour la première fois voir la Chine, ou du moins quelque chose de la Chine contemporaine. Du reste, sentiment que l’histoire a été intentionnellement bâclée. Bâclée intelligemment mais bâclée tout de même, n’allant pas au bout de son sujet, comme si le but du réalisateur avait été non de raconter une histoire mais de promener son œil dans le réel. Au public il dit : regardez ce puissant pays qui vous intrigue tant, regardez comment je le vois et ce que j’ai à en dire – à savoir beaucoup de solitude. En tant qu’histoire de caïd minables, elle m’a fait penser à l’Indigène d’Eurasie de Šarūnas Bartas 15, vu il y a longtemps.

En revanche, fréquentation médiocre. Cinq spectateurs, y compris Sébastien Gayet, Philippe et moi. Certes il fait beau. Certes les rivières ardéchoises sont généreuses. Certes tout ceci s’est décidé tardivement et la communication a pu souffrir des circonstances. Mais tout de même. C’est un paradoxe de Lussas : j’imagine qu’une bonne partie des cinéphiles connaissent le nom de ce village par son festival, mais ce qui s’y passe en dehors des États généraux ? De partout les nouvelles des salles sont mauvaises. Deux semaines après le sursaut de la réouverture, elles n’attirent pas assez de spectateurs pour tenir le coup.

Sylvain est là, que j’avais rencontré lors d’une projection à Burzet l’été dernier. Il projette ce soir en plein air à Jaujac, à une demi-heure à l’ouest de Lussas. J’étais venu avec l’idée ferme de le suivre pour photographier cette projection. Le courage m’a déserté en route, sans que je puisse en identifier la cause. Rentré à Nyons.

Portes-lès-valence, mardi 15 juin

Nouvelle séance scolaire avec Margot Deschamps, cette fois au collège Jean Macé de Portes-lès-Valence. Je fais le voyage. Instruction de ne photographier les élèves que de dos. Aujourd’hui Margot propose aux élèves de Sylvie Ybert, professeure de français, un cours sur les adaptations au cinéma. Dans la classe où a lieu l’intervention, d’un côté du tableau il y a l’affiche de Duel 16 et de l’autre celle de L’Île de Black Mór 17, souvenirs du dispositif Collège au cinéma, année 2012-2013 pour l’un et 2005-2006 pour l’autre. Pour son exposé Margot s’appuie entre autres sur Coraline d’Henri Selick, d’après Neil Gaiman 18, et le Frankenstein de James Whale 19, d’après Peggy Webling d’après Mary Shelley. Ne photographier les élèves que de dos… J’ai manifestement dû oublier la consigne au moment où j’ai fait un signe à Margot pour lui demander d’ôter son masque, car le soir à la maison je ne trouve, pour seules images où elle a le visage libre, qu’un plan sans élèves où malheureusement elle tient son masque à la main, et un autre où les enfants sont de profil… À deux cents kilomètres l’aller-retour, c’est maigre.

Chabeuil, jeudi 17 juin

Changement de collège (Marc Seignobos, Chabeuil), de professeure (Marion Tourrel) de sujet (le film d’animation), mais ni de médiatrice (Margot), ni de consigne (ne photographier les élèves que de dos), et à peine de distance (trente kilomètres en moins aller-retour par rapport à mardi). Margot parle des techniques originelles d’animation et montre Pauvre Pierrot d’Émile Reynaud, datant de 1892, premier dessin animé sur transparent de l’histoire du cinéma. J’écoute le cours comme un gamin tant j’ignorais tout de cette histoire, au-delà du phénakistiscope de Joseph Plateau, dont on pouvait jadis faire tourner une reproduction en attendant la séance au musée du cinéma de Bruxelles.

Ceci m’émerveillait déjà en 2017 lorsque je documentais les ateliers d’Antiquarks dans les écoles du Nyonsais, et n’a pas été en s’améliorant : désormais, on dirait que les enseignants font face non plus à des sapiens mais, pour une bonne moitié, à des spécimens d’une nouvelle espèce y ressemblant beaucoup, mais invertébrée, petits sacs de fatigue et d’ennui affaissés aux alentours de leur table. Aujourd’hui, juste à côté de l’endroit où je m’étais posté pour les photographier de dos, j’ai observé l’un d’eux s’endormir sur sa chaise, la tête oscillant pesamment, se réveillant en sursaut à chaque inflexion de voix de Margot, ou quand les cervicales menaçaient de rompre, puis retournant à son oscillation. L’étonnant est que malgré cet avachissement ils suivent, et semble-t-il avec plaisir. Ils posent des questions et réagissent. Même le garçon oscillant a répondu à une question. Quel âge étrange. Dont je n’ai aucun souvenir.

Une bonne photo de Margot sans masque, avec les enfants à l’avant-plan. Rien de passionnant pour le reste. Le soir, tout en les traitant, j’ai fini par comprendre que ce n’était pas grave, que si je mettais en doute leur intérêt ce n’était que de les lire avec la mauvaise grille. Face à elles je pense « exposition ». Mais c’est restrictif. Elles peuvent très bien s’inscrire dans l’« ordre du visible », comme dirait Jacques Rancière, sous un autre statut. Ne disant que ce qu’elles disent elles ont en effet au moins ce mérite, car sans elles il n’y aurait aucune trace de ce qui a lieu. Or ce qui a lieu, sans doute pas tout ce qui a lieu mais le plus possible de ce qui a lieu, c’est précisément ce dont mes commanditaires me demandent de garder trace. J’ai donc découvert aujourd’hui que les photographies prises depuis bientôt deux ans pour cette résidence sont de deux ordres différents : les unes s’arrêtent à l’information qu’elles transmettent, ne font que cela mais de façon intelligible, et les autres sont plus libres. Et je pense avoir accepté qu’elles ont toutes ont une égale pertinence à dire « cinéma et territoire ».

Valence, jeudi 24 juin

Au Centre du patrimoine arménien se tient aujourd’hui, à l’initiative notamment des Écrans, une journée de formation intitulée « La migration dans le cinéma jeune public : de quoi parle-t-on ? », avec Philippe Hanus, coordinateur de l’ethnopôle Migrations, Frontières, Mémoires, et Sébastien Escande, coordinateur du réseau Traces. Je n’étais jamais venu dans ce lieu. C’est l’occasion. Revu Margot et Adrianna. Visite de l’exposition permanente, excellente conférence de Philippe Hanus sur l’histoire des migrations, discussions avec les médiatrices du centre… Beaucoup appris, mais peu photographié. L’après-midi les participants iront voir un studio de tournage, mais où il n’est pas permis de prendre de photographies. Je rentre donc tôt.

Montélimar, samedi 17 juillet

Une des projections en plein air dont Pascal Nardin m’avait donné l’information à Crest l’autre jour, c’est aujourd’hui dans le parc du Château des Adhémar à Montélimar. Encore un de ces très beaux lieux, à une heure de la maison, que je ne visite jamais. Une fois en vingt ans, pour un concert idiot dont, pour ne pas perdre la lectrice ou le lecteur, je tairai le nom du chanteur. Replongé avec plaisir dans l’ambiance des plein air de l’été dernier, l’écran gonflable monumental (presque le double de celui de la Maison de l’image), la décontraction, l’insouciance, les familles tantôt le bagage léger tantôt super-équipées, une enfant qui danse à l’écart de la foule sur une musique venue de sa tête… Et pour l’appareil photographique, les jeux entre les sources de lumières : le faisceau du projecteur sous la lune, l’éclairage de la ville, celui du château, les téléphones des spectateurs, l’ampoule de la buvette, la lumière du film lui-même réfléchie par l’écran… Le film c’est La Forme de l’eau 20.

Au retour, dans la ligne droite en sortant de Valaurie, une famille de sangliers traversait hors du passage clouté sans équipement réfléchissant… Je n’ai pu éviter celui qui fermait la marche. De mon temps de résidence, non seulement photographique mais aussi terrestre, ils ont failli sonner prématurément la fin. Mais non. On continue. J’en serai quitte pour un dimanche de rafistolage de pare-choc à renfort d’atèles en aluminium, et pour un contrôle technique volontaire afin de m’assurer que cet engin freine toujours droit… Quant à l’animal, le chauffeur de l’automobile qui nous suivait s’est arrêté pour le récupérer. Mais par contre, j’ai des images, ça oui.

Nyons, samedi 24 juillet

Aujourd’hui, j’ai reçu un courriel de Bimal, un ancien stagiaire népalais, à l’occasion de la fête de Guru Purnima, que je ne connaissais pas. Célébrée le jour de la pleine lune (c’est ce que « purnima » veut dire) du quatrième mois du calendrier hindou, cette fête honore les professeurs, enseignants et maîtres. Pour l’occasion Bimal me fait présent d’une photographie qu’il a prise de l’Himalaya. Que ce garçon se rappelle encore notre stage des années plus tard, et prenne le temps de me le dire en m’envoyant une image du Népal, ma journée en a été illuminée.

Pierrelatte, Aubenas, Vernoux-en-Vivarais, mercredi 28 et jeudi 29 juillet

Parti de Nyons « le souper dans le bec », comme dit ma maman, pour arriver avant le début de la séance à une projection en plein air dans le parc municipal de Pierrelatte, ici encore pour photographier l’écran dans son contexte, et l’arrivée du public. Vers 21 heures il y avait, garés sur le parking derrière la salle des fêtes jouxtant le parc, une dizaine de véhicules dont deux appartenant à la police municipale. À l’entrée du périmètre de projection matérialisé par des barrières Vauban, un responsable de l’organisation, un garde de sécurité, toutes sortes de panneaux annonçant toutes sortes de restrictions, ainsi que quatre policiers en armes contrôlant le droit de chacun à entrer dans le parc, et rejetant hors du périmètre barricadé quiconque ne pouvant justifier de ce droit. Dedans, une vingtaine de personnes assises face à l’écran sur des chaises en polypropylène, et une caravane à churros. Le parc est vaste et beau, la pelouse rase, peut-être un peu trop propre. Je n’ai pas goûté les churros. Nous voilà entrés dans l’ère du cinéma sous protection policière. Cela m’a fait penser à l’Atmosphère, le restaurant français qui existait à Kaboul dans les années 2000, protégé par des vigiles fusil mitrailleur au poing. Nous y étions allés une fois en 2005. Olga s’était baignée dans la piscine. J’y étais retourné en 2007 avec Gabriel Buti, l’attaché culturel de l’ambassade, qui m’avait invité à exposer les images de L’Usure du Monde au centre français. Je ne sais ce que le restaurant est devenu 21. Ni Gabriel. Nul ne sait non plus ce que le cinématographe deviendra s’il faut le défendre par les armes. J’ai fait quelques images, évitant les policiers d’humeur pour le moins tatillonne, et je suis parti vers Aubenas, à soixante à l’heure, voyant des sangliers partout.

À la terrasse du Jaja m’attendaient Philippe et son ami Nicolas, Ardécho-californien qui a quelque chose à voir avec les débuts de l’aventure de Burning Man dans le Nevada, je ne connais pas les détails, mais chaque fois que je le vois je pense à ce que Jean-Christian Bourcart raconte de ce festival dans son Oiseau noir 22, à l’édition duquel j’ai eu la chance de participer. La policiarisation du cinéma pierrelattin les met en émoi. À la question de savoir comment font les mairies qui ne veulent pas faire garder par les forces de l’ordre les séances que la Maison de l’image organise pour elles, Philippe a un début de réponse : les uns placent la jauge à quarante-neuf spectateurs, ce qui sera encore permis jusqu’à 9 août, les autres annulent la soirée.

Le matin nous avons rendez-vous place du Château avec Magali Courroy – qui, elle, reste à la Maison de l’image et avec qui je vais réaliser cette exposition – et Tristan, qui va donc à nouveau en tirer les photographies. Nous faisons le tour des emplacements prévus afin d’en prendre les mesures. Hormis la voute du passage qui mène au Palace – trop grande, trop granuleuse, trop de prise au vent –, Tristan a tout validé. À la médiathèque, aussi. Vivement novembre !

L’après-midi je monte à Vernoux-en-Vivarais visiter la salle Louis-Nodon, qu’Écran Village exploite. Que ces paysages sont beaux ! Je photographie l’extérieur du bâtiment en attendant Moïse. C’est une ancienne salle des fêtes, datant peut-être de l’immédiat avant ou après-guerre, installée en bordure du village, compacte, massive, adossée à une école. Moïse m’en avait raconté la restauration 23, achevée en 2012. Pas facile à photographier à cause de cette école à droite, du parking à gauche, et du manque de recul ou d’une optique 24 millimètres pour le compenser, mais agréable à regarder, avec un bel équilibre entre traces de son histoire – volume, ouvertures, mosaïque du fronton – et usages contemporains. À l’intérieur ce sont ces usages-là qui dominent. Évidents à photographier en revanche, les alignements de fauteuils, dans une palette de couleurs chaudes distribuées aléatoirement. Comme je l’apprends à mon retour en faisant des recherche sur ce que peut bien raconter la mosaïque du fronton, ce camaïeu de sièges n’a rien du tout d’aléatoire : il « résulte d’une vectorisation du visage d’Eli Wallach (1915-2014) » 24, Le truand du bon et de la brute de Sergio Léone (1961), qu’on retrouve aussi chez John Huston dans Les Désaxés (1966), dans Les Sept Mercenaires de John Sturges (1960), Le Parrain III de Francis Ford Coppola (1990), Le Cerveau de Gérard Oury (1969), ou plus récemment chez Clint Eastwood (Mystic River, 2003). Quand j’ai fait le tour de ce qui est visible sans clefs Moïse m’ouvre les loges, puis les caves où dorment des pièces de matériel de projection 35 millimètres. Ni débris ni stock organisé, juste posées là, hors de tout destination à aucune usage, hors de toute temporalité : irrésistibles. Plaisir coupable à prendre des images aussi malicieusement faites pour moi, existant avant même d’avoir été prises – mais pour dire quoi et à qui, je n’en sais fichtre rien… Quant à la mosaïque de la façade, représentant une femme couchée sous les arbres jouant de la flûte à une biche : recherches infructueuses, ni sur Internet ni même auprès d’Olga, qui lit pourtant Ovide par plaisir et connaît les mythes antiques par cœur.

Je me suis avisé que désormais, à part Les Vans, Vals, Rosières, Guilherand-Granges et Le Cheylard, j’aurai photographié toutes les salles d’Ardèche. Je n’avais pas imaginé être exhaustif. En passe de l’être, autant l’être tout à fait, ainsi qu’en Drôme tant qu’à faire. Si cette typologie dit quelque chose de cet ancrage territorial, je ne le saurai qu’en l’achevant. Ce sera pour l’automne.

Nyons, lundi 9 août

Rentré d’une semaine belge. Revu les parents pour la première fois depuis tout juste un an. Première fois aussi, en vingt années de France, que je ne les vois pas de si longtemps. (Quand j’écris ce mot, « longtemps », je pense toujours à Sonia, qui nous a permis d’habiter ici, Sonia et son élocution paisible et douce, et qui toujours prononcera ce mot comme ceci : « longue-temps », prononciation si belle et aimable que j’incline souvent inconsciemment à l’adopter.) « Longue-temps », donc, sans voir les Vieux. Même le voyage de 2004-2005, des Pilles à la passe de Khyber puis jusque Katmandou Nicolas Bouvier en tête, nous avait séparés moins « longue-temps ». Plus tard, vers 2010, à l’époque de la fabrication des Brumes à venir, je montais en Belgique pour un oui ou un non, Nyons-Falaën, neuf cents kilomètres, presque les yeux fermés, un thermos de thé pour la route. J’arrivais en huit heures trente à peine fatigué. Aujourd’hui, même si Olga conduit, ce trajet m’épuise et le corps ne suit plus. Et au retour, à partir de Valence, l’autoroute est la plupart du temps impraticable. Pas seulement en période de vacances : pour rentrer des collèges de Bourg-de-Péage et de Portes-lès-Valence il y a peu, deux après-midi de semaine hors-saison, trafic saturé jusque Montélimar. Outil désormais dysfonctionnel. Ou au contraire fonctionnant si bien qu’il produit ce qu’il était condamné à produire : l’abolition de la vitesse. Et l’impossibilité en outre de quitter cette chaussée pendant de très longues distances a de quoi suffoquer un claustrophobe. Quand je le sais à temps je m’échappe via Crest, Saoû et la montagne. Mais même si cette fois-ci nous étions quatre à l’aller et deux au retour, ce qui déculpabilise un peu de l’égoïsme de l’automobiliste, être pris dans ces bouchons ou parvenir à m’en échapper n’est plus juste un mauvais moment à passer, plus juste un aléa du voyage mettant à l’épreuve notre patience. C’est une absurdité. Et pendant tout le voyage la radio ne parle que du sixième rapport sur le climat, dont la première partie consacrée à ses bases scientifiques a été publié ce matin par le Giec 25. Alerte rouge pour l’Humanité…

Du mal à faire la part des choses ces jours-ci. L’esprit tendu. La Terre est en feu et sous eau et moi, je photographie toujours le cinéma en Ardèche et en Drôme, parcourant pour cela des centaines de kilomètres dans mon automobile. C’est une belle résidence et je sais gré à mes commanditaires de leur confiance, et j’espère travailler le plus humblement et le plus sincèrement possible. Admettons. Mais tout de même. Une autre partie de moi se demande : à cent vingt grammes de dioxyde de carbone du kilomètre, ce que Frédéric Lecloux pense du cinéma régional est-il encore une question ? Réapprendre à respirer n’est-il pas plus urgent ? N’est-il pas possible de trouver une autre façon de transmettre ou raconter qui soit non comptabilisable en équivalent toxique ? Bien sûr, ces images cinématographico-territoriales ont leur raison d’être, et constitueront un jour je l’espère un document faisant sens. Et bien sûr, nous avons besoin d’art. Mais l’art ne se grandirait-il pas à être le champ des activités humaines qui ouvrirait une voie plus lente, moins bruyante et moins nocive ? Tant de question pour quelques tours de moteur à moins de cent kilomètres autour de la maison. Ne parlons alors pas de retourner jamais au Népal. Le Népal me manque. NayanTara et les amis me manquent. Mais s’il redevenait évident que ce que j’ai encore à dire doit l’être de cet ailleurs-là, comment y retourner ? Reprendre encore ces avions, subir ces procédures, attendre dans ces aéroports ? Ou par la route alors, mais passant par où ? Au début de mon temps voyageur, dans les années 1990, je lisais ce livre de l’anthropologue Franck Michel, Désirs d’ailleurs 26, qui n’est ni un slogan ni une injonction mais un objet d’étude, partant du principe que ce désir est chose courante chez l’homme. Vingt ans plus tard, en moi ce désir est mort sans que j’aie eu à me préoccuper de l’éteindre. Le tremblement de terre de 2015 et la culpabilité s’en sont chargés. Mais renonçant à l’ailleurs, comment ne pas renoncer, dans la même immobilisation, à l’ailleurs et à l’Autre ? Et à la possibilité de parler à l’Autre à mon rythme et comme j’en ai envie ? Ou alors s’ancrer au Népal une bonne fois pour toutes ? Mais la famille ? Sans compter la limite annuelle de cinq mois de visa.

Nyons, mercredi 18 août

Au courrier ce midi, Quarante ans de photographie en Chine, éditions Nathan, 1996, un des deux livres de Marc Riboud dont la préface est partiellement reproduite dans ses Chines de 2019, le livre acheté l’autre jour à la libraire d’Aubenas lors du festival Plan Large à Lussas. Où je comprends que cette préface posthume emprunte aux deux autres de façon chronologique : toute la première partie est tirée du livre de 1980, et toute la fin de celui de 1996 reçu aujourd’hui. Je crois que je la préfère à son itération contemporaine, le texte de 1996 me semblant plus mature, plus pétri de doutes que celui de 1980, où il tente encore un peu de s’excuser de n’être que photographe.

Je l’ai trouvé, cet ancien livre, sur un site Internet dont je tairai le nom, pour une somme indécente : cinq euros et soixante-quatre cents. Grand format, épais, relié sous jaquette, bien imprimé, cent images et plus, en parfait état… Je l’ai acheté en sachant que ce prix n’était pas normal. À la boulangerie de Nyons, un pain d’épeautre coûte quatre euros et quatre-vingts cents. Le livre pesant près d’un kilo et demi, le prix de cette commande en ligne n’en couvre même pas les frais d’envoi et son dépôt par la factrice en haut de la colline. Je l’ai acheté en craignant de participer à un processus détruisant lentement la possibilité de mettre de la pensée dans des livres, mais je l’ai acheté pourtant, parce que j’en avais besoin, envie, que sais-je : parce que… Certes, c’est une bonne affaire. Certes, c’est pratique de le recevoir chez soi. Mais tout compte fait, qui paye la différence avec le coût réel de cet achat recyclé ? De quoi cette aberration économique trompeusement profitable est-elle la propagande ? Sans parler de son coût écologique, ne serait-ce que pour faire tourner les serveurs informatiques par où transitent toutes ces commandes. Poser la question, c’est y répondre. Si cela existe, c’est parce que nous l’utilisons.

Lussas, États généraux du film documentaire, dimanche 22 et lundi 23 août

Les États généraux n’ont à nouveau pas été annulés. Pourtant, qu’ils eussent lieu n’était à nouveau pas une évidence, ce dont Pascale Paulat et Christophe Postic se sont à nouveau longuement expliqués 27. C’est une belle victoire. Ce dimanche c’est la soirée d’inauguration. J’ai hésité à y aller. Encore tous ces kilomètres ? J’ai peut-être les images suffisantes parmi celles de l’année dernière. Un faisceau de projecteur sous le ciel étoilé, une vue générale d’une projection en plein air depuis le toit de l’Imaginaire, une ou deux images de séances en salle… Sans doute n’aurais-je eu aucune difficulté à en rester là. Mais on n’a jamais les images suffisantes. (Sauf William Eggleston, qui explique dans un entretien 28 ne jamais faire qu’une seule image d’une scène, pour ne pas avoir à choisir.) J’ai donc repris la route en espérant sinon la foule des grandes éditions, au moins des images de gens, et sentir enfin l’esprit de ce festival.

Arrivé vers 18 heures. Installé au Kilana j’écris distraitement en regardant passer la vie. Moins de masques que l’année dernière. Des téléphones tendus les remplacent. Il y ici a quelque chose d’apaisé, de moins urgent. Une tension réduite. Aperçu au loin Emmanuel Le Reste, le photographe officiel de l’événement qui me vantait l’an dernier les mérites d’Instragram. Un peu avant vingt heures, au carrefour du village, entre église et Kilana, la foule grossit. Tout le monde a l’air de bien savoir ce qu’il fait là. La difficulté toujours, au début dans une foule, c’est l’assurance des gens, ou ce que je prends pour telle : la soutenir, la comprendre, l’assimiler. Et puis ça passe à mesure que moi-même j’en prends. Je sors l’appareil quand la lumière devient belle. Croisé deux amis nyonsais, que suivait toute une troupe baronniarde voulant poser devant l’objectif au milieu du carrefour.

Marché lentement vers l’Imaginaire. La projection en plein air est toujours installée dans le pré en contrebas. L’équipe du Navire est à la technique, comme à Montélimar et Pierrelatte. Le dispositif d’accueil du public a changé. Plus de marques au sol à la peinture fluorescente pour organiser l’espace dans la file d’attente. Plus de balise blanche et rouge. Toujours les grilles et les banderoles institutionnelles qui déséquilibrent l’espace visuel, mais évitables dans le cadre. L’ensemble est plus léger, plus vivant, plus agréable. D’autant que l’accès à la projection n’est pas gardée par la police. Emmanuel le Reste me reconnaît, on bavarde un peu. Avec Pascale Paulat, la directrice artistique, et Nicolas Bolle, le coordinateur général, aussi. Retrouvailles chaleureuses. Je ne désespère pas de réaliser un entretien avec Pascale avant la fin de ma résidence.

J’ai l’impression de trouver des images. Une notamment, de l’écran perdu au milieu de la verdure, qui me fait penser à la photographie de la maquette de l’ex-projet de navette spatiale européenne Hermès, dans Brumes à venir. Mais surtout, des images du public, nombreux et le visage libre. Vers 21 heures les discours commencent et s’enchaînent. Il y a sur l’estrade le maire de Rosières, où existe ce petit cinéma associatif qu’il me reste à photographier. Et l’édile d’annoncer que du 10 au 12 septembre, ledit cinéma organise un nouveau festival, Les Rencontres Cévenoles du Cinéma 29. Que je manquerai, malheureusement. Déjà les territoires du cinématographe s’agrandissent, avant même que j’aie terminé d’en prendre la photographie… C’est donc que le cinématographe est bien vivant ! Christophe Postic clôt les discours par le sien et par une parole d’Hélène Châtelain. Réalisatrice, traductrice et éditrice de la collection de littérature russe « Slovo » (« le mot ») chez Verdier, Hélène Châtelain est aussi la femme qui à elle seule, tient debout toute La Jetée, de Chris Marker. C’est tout ce que je sais d’elle. Et qu’elle est décédée en 2020. Cela suffit pour m’émouvoir. La phrase, je ne l’ai pas notée, évidemment. Elle s’achève sur l’idée que les paroles dites appartiennent au vent.

Ce soir je suis accueilli pour la nuit chez Emmanuel Chevillat, le camarade de Neos Films avec qui j’avais partagé un repas dans un champ près de l’Imaginaire l’année dernière. Philippe absent, il faut réinventer la logistique de cette fin de résidence. Changer d’habitudes, approfondir des visages, croiser de nouvelles pensées… C’est toujours bon à prendre. Ne voulant pas arriver trop tard chez mon hôte je quitte impoliment la projection vers 22 heures après le début de La Patience des vignes 30, le film de fin d’année d’Agnese Làposi, une des étudiantes de la vingt-et-unième promotion du mastère documentaire de Lussas. En sortant de l’enclos formé par une haie d’arbres côté village et par des grilles des trois autres, je traverse un groupe épars de spectatrices et spectateurs allongés dans l’herbe le long de la pente, qui regardent le film depuis l’extérieur du périmètre autorisé. C’est donc chose faite : il existe en ce pays deux régimes de citoyenneté. Je serais tenté de dire que l’Histoire nous en sera comptable, mais à mon avis, la Terre la devancera.

Emmanuel m’accueille gentiment avec, entre de beaux murs en pierre nue, des fauteuils, une bière, un chat, des disques de guitare, et du temps pour causer. Et, assez naturellement, causer de notre rapport au temps et à l’espace, et des moyens de leur réappropriation. Dans les questions que je me posais l’autre jour sur les déplacements entraînés par cette résidence, je n’évoquais même pas la possibilité qu’ils fussent réalisés autrement qu’en automobile. Or il y a l’autobus, qui mène à Aubenas via Montélimar. Je l’ai pris certaines fois. Au-delà, pour atteindre les villages du plateau, je n’ai connaissance ni du réseau ni des horaires. Ce doit être faisable, avec beaucoup d’organisation, mais tout de même, en brûlant encore des hydrocarbures. Alors quitte à s’organiser, autant que ça vaille la peine, et je me dis que j’aurais pu mener cette résidence à vélo. C’est la première fois que j’y pense. Un peu tard ! Emmanuel me parle d’une connaissance qui ne se déplace que par ce moyen. Comme mon ami Michaël d’ailleurs, dans les Vosges, qui sait ce que le corps y laisse. Mais admettons que le corps tienne. Tout aurait été différent. Pas plus facile, pas plus confortable j’imagine, plus long sans doute, mais peut-être simplement plus gratifiant ? J’aurais fait d’autres choix. Pas d’aller-retour dans la journée. Des voyages moins fréquents mais plus lents, avec un long trajet au début et à la fin du séjour, et de plus courts entre les villages. De Nyons à Vernoux-en-Vivarais, par exemple, j’aurais mis six heures le premier jour, photographié le lendemain, puis poursuivi vers Lamastre, puis plus loin encore… Plus long ? Pas certain. J’aurais probablement rationalisé les déplacements et fait moins de kilomètres. J’aurais dû organiser en fonction mes autres engagements professionnels en me rendant indisponible pour quelques périodes, et penser différemment le logement, le matériel photographique, les prises de vues elles-mêmes, mais c’aurait été possible. Et sans doute aurais-je senti l’Ardèche différemment. Je me demande comment cela aurait été reçu par mes commanditaires. J’en causerai à Philippe. Ce sera un bon début, faute de l’avoir fait. On parle aussi de photographie, de Roland et Sabrina Michaud et d’Olivier Föllmi, qu’il a connus, de la difficulté de faire des films aujourd’hui, qu’il connaît, et du besoin de s’arrêter, par exemple pour partir marcher sur le plateau…

Ce matin, pensé à ceci en entendant les informations de 9 heures à la radio : quand les parents regardaient le journal télévisé d’Antenne 2 dans les années 1980 – en 1986 ? – le présentateur commençait chaque jour son édition en égrenant les noms des otages alors retenus au Liban, Jean-Paul Kauffmann, Marcel Carton, Marcel Fontaine, Michel Seurat, noms sortant tout seuls de ma mémoire, et leur nombre de jours de détention, plus de mille à la fin dans mon souvenir. Pourquoi ne pas procéder de façon analogue avec la parution du rapport du Giec : « aujourd’hui, 22 août 2021, cela fait treize jours que le premier chapitre du sixième rapport du Giec sur le climat a été publié, lançant une alerte rouge à l’humanité, sans qu’aucun gouvernement n’ait encore pris de mesure pour répondre à l’urgence ». Et ainsi de suite, à tous les journaux télévisés de France. Nous avons tous des excuses, bonnes à nos yeux, pour continuer de nous octroyer nos petites exceptions à ce que nous savons nécessaire. Peut-être faut-il en passer par là pour les regarder différemment ? Mais cela existe encore, le journal télévisé ? Il faudra que je me renseigne. Sinon, à la radio ?

Croisé Christophe Postic en tournant dans Lussas à la recherche d’images. Il se rappelle notre début de discussion à un coin de table il y a un an, avec Pascale Paulat. Je le remercie d’avoir cité Hélène Châtelain hier. Il me donne la citation, extraite de son film Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine 31 : « Les mots que l’on grave sont là pour l’éternité. Les mots que l’on dit appartiennent au vent, et tout alors se met à bouger ». La fin, que je n’avais pas retenue hier soir, élève ces mots au-dessus de ce qu’ils veulent dire. Elle me fait penser à Nicolas Bouvier citant Vladimir Holan : « Il y a le destin, et ce qui ne tremble pas en lui n’est pas solide ». Christophe Postic a travaillé dix ans avec Hélène Châtelain en Russie. Et moi, je suis en train de lui parler ! « Elle me manque tous les jours », me dit-il. J’ai vu cet homme deux fois dans ma vie. Nous ne nous connaissons pas. Et en quelques minutes dans une ruelle de Lussas il me fait entrer dans le territoire de son intimité sans que cela ne semble affecté ni ne provoque aucune gêne. Au contraire cela me bouleverse. Je crois comprendre ce qu’il veut dire. C’est ce que Christian disait de Serge Daney dans sa postface à L’Usure du Monde. J’essaie de me figurer si je peux approfondir cette compréhension en la reliant à une expérience personnelle, mais non. La seule personne avec qui j’aie jamais travaillé dix ans vit toujours, Dieu merci, et nous n’avons pas fini de travailler. J’aurais bien prolongé la conversation avec Christophe Postic, lui aussi apparemment, mais pas en plein festival. Son temps est compté. Avec Pascale Paulat, même sensation. La première fois que nous avons été présentés, elle m’a posé sur ce que je faisais là des questions méfiantes, sincères, rugueuses et justes. Et d’emblée j’ai pensé que nous avions quelque chose à nous dire. La lenteur est une vertu de cette résidence. Être revenu ici un an après ma première visite n’est pas anodin. C’est un luxe qui peut-être modifie ma relation aux gens, dans les deux sens : la façon dont je perçois et suis perçu. Il me semble, enfin. J’ai proposé à Christophe que l’entretien dont j’avais eu envie avec Pascale lorsque nous avions été présentés autrefois, se fasse à trois voix. Et lui de me remercier d’avoir pensé à lui, à eux, pour nourrir ce journal. En octobre ce sera très bien…

Arrêté ensuite par un stand de livres, juste à côté de celui de Tënk, le site Internet de films documentaires. Beaucoup d’ouvrages sur le cinéma, sur la photographie et l’image, un peu de littérature, de poésie, et beaucoup de films. Une sélection si précise et large qu’elle en est presque enivrante. Je demande à l’homme qui achève d’installer son étal où se trouve sa librairie. « À Marseille », me dit-il. C’est l’Histoire de l’œil, la librairie de Nadia Champesme, avec qui mon éditrice a fondé Des Livres comme des idées, l’association qui organise annuellement les Rencontres d’Averroès et le festival Oh les beaux jours ! J’ai inauguré sa journée en délestant son voyage retour d’un ou deux kilogrammes de pensée imprimée.

Déjeuné sur place, dos à l’église, puis repris la route. Manquant une occasion, vu qu’il arrive comme je pars, de m’asseoir avec Olivier Barlet, dont j’ai déjà parlé 32. Dommage, nous avons deux ou trois conversations de retard. Au retour je me suis arrêté à Montélimar où j’avais réservé chez un bouquiniste Pour une alliance entre photographie et sciences sociales 33, un livre issu d’un séminaire à l’Agence VU’ en 2020, dirigé entre autres par Jean-Robert Dantou et l’ami Mathias Nouel de VU’ Éducation. Je l’ouvre en arrivant à la maison. J’étais déjà convaincu que Jean-Robert posait de bonnes questions sur la photographie, raison pour laquelle j’avais sollicité notre conversation de 2016 34. Il va ici plus loin. Avec les Notes sur le cinématographe de Robert Bresson 35 et le journal de voyage de L’Inde fantôme de Louis Malle 36 que j’ai mentionné la dernière fois, voici un troisième texte qui a mon sens devrait être lu par tous les photographes documentaires : l’entretien avec Jean-Robert qui inaugure ce livre, où il établit avec méthode les pièges de ce métier et dans le même souffle fournit l’énergie pour résister à la tentation d’y tomber. J’y trouve en outre un message personnel : « Ma grande crainte, dit-il, c’est qu’à un moment la ou le photographe se dise : “C’est beaucoup trop compliqué. Il faut que je lise. Il faut que je comprenne d’abord”, et qu’il arrête de photographier. Je pense qu’il ne faut jamais cesser de photographier, et jamais cesser de faire attention aux formes lorsque l’on photographie ». Car si sentir venir la fin de cette résidence c’est aussi sentir venir la fin d’une raison de me déplacer – donc de polluer mais donc aussi de faire des rencontres, c’est en outre sentir venir la fin d’une raison de photographier.

Jean-Luc Nancy est mort. C’est inacceptable mais il avait prévenu.

Nous sommes des hommes parce que nous sommes en partance, disposés vers un départ dont nous pouvons et devons savoir qu’aucune arrivée définitive n’est possible ni promise. C’est dans cet élan, dans l’obligation du départ, car nous ne pouvons pas faire autrement, et dans cette prise de risque, dans le pari du départ, que nous pouvons vivre une vie qui en vaut la peine. C’et à la fois très dur, très inquiétant et très enthousiasmant.

– Jean-Luc Nancy, Partir-Le départ 37

Nyons, mardi 24 août

Fabienne au téléphone. Raconté ma rencontre avec le libraire de l’Histoire de l’Œil, qu’elle connaît, bien sûr. Il quitte son poste pour se consacrer à la menuiserie. Toujours cette affaire de se réapproprier son temps, sans doute. Se réapproprier son temps, je veux bien, mais vue ma lenteur, même si je m’en réapproprie une bonne part, comment y caser tout ce dont je voudrais le remplir sans qu’il m’en faille mendier ou voler davantage ? Ce matin je me suis dit : j’ai la chance d’avoir une journée de libre, bien. Alors par où commencer ? Écrire ? Aller à vélo aux Pilles par Châteauneuf-de-Bordette visiter Angelo ? Sélectionner mes images du Qatar à montrer avant que démarre cette Coupe du monde ? Partager un moment avec Olga qui lit dans sa chambre ? Finir de retaper la cabane dans le tilleul ? Jouer la suite en ré mineur de Robert de Visée, sur le lutrin ces jours-ci ? Continuer les murs en pierre sèche entamés ci et là ? Lire le Didi-Huberman acheté à Lussas et le Dantou ramené de Montélimar ? Écrire les lettres qui attendent ?… Fabienne a décidé pour moi : il faut rédiger urgemment les textes de présentation du livre rétrospectif de Michel Vanden Eeckhoudt, qui sortira en février en parallèle avec une exposition au musée de la photographie de Charleroi. Cela m’a fait l’après-midi. Dans un long et beau portrait à paraître dans ce livre, Mary van Eupen cite ces mots de lui : « un pianiste joue du piano tant que les mains bougent, un photographe photographie tant qu’il voit. » Entre Jean-Robert Dantou et Michel Vanden Eeckhoudt, me voilà prévenu. Mais photographier quoi ? Ne plus se le demander, et faire… À l’époque où je rassemblais des images d’Olga dans une petite boîte intitulée Le Bord de l’éclipse, le quotidien suffisait. Désormais je ne sais pas. Mais j’ai mis de la pellicule dans le M6, on ne sait jamais.

Le soir vu Nestor Makhno, d’Hélène Châtelain. Je découvre une histoire, celle de cet homme qui a dit non à tout – au tsar et aux bolcheviks – sauf au peuple et à la vie. Sa vie d’ailleurs croise celle de l’anarchiste espagnol Buenaventura Durruti, racontée par Hans Magnus Enzensberger dans Le bref Été de l’anarchie 38, lequel Durruti a inspiré l’une des plus émouvantes expériences musicales que je connaisse, The Durutti (sic) Column, porté par le guitariste Vini Reilly. Le film d’Hélène Châtelain suppose qu’on sache un peu l’histoire de la révolution russe pour bien le comprendre. J’ai dû relire quelques pages pour que les pièces du puzzle s’imbriquent. Mais on peut aussi se laisser porter par les plans magnifiques, la force des images d’archives, et le destin de gens qui ne font rien que cultiver la terre. Entendu dans sa voix les mots découverts avant-hier dans celle de Christophe Postic. Et mon dieu, comme cette langue russe est belle. Si je ne sais que faire de mon temps, je pourrai toujours m’y remettre. En sortant de là, et peut-être à cause du libraire menuisier, je pense à Arthur Rimbaud dans « Mauvais sang » : « La main à plume vaut la main à charrue », et je me dis qu’aujourd’hui, la main à charrue vaut la main à clavier, sans nul doute. Peut-être n’aurons-nous pas le choix.

Mirabel-aux-Baronnies, jeudi 26 août

Mylène Georgel m’avait donné les dates des séances en plein air à Mirabel-aux-Baronnies. Absent pour les deux premières, je ne pouvais manquer la dernière aujourd’hui. Difficile de trouver la moindre information sur le lieu. En fait, le placard était si grand sur le site Internet de la mairie qu’il m’a fallu dix minutes pour le voir. C’est sur la petite place derrière le café Gecko. Voilà au moins une séance où je me serai rendu à vélo. Quinze kilomètres aller-retour… Pas glorieux en un an et demi, mais il faut bien commencer quelque part.

La projection est organisée par une association du village, Pagaille, en partenariat avec L’Arlequin. Elle commence par un petit film réalisé avec les enfants de l’école sur leur vie contrainte ces derniers mois… Le film principal, c’est Le grand méchant Renard 39, un dessin animé comme j’allais en voir avec Olga il y a dix ou quinze ans. À part les conditions d’accès au périmètre de projection qui scandalisent un visiteur putatif, ce qui force Mylène à se défendre en haussant la voix, l’ambiance est douce, parfaitement baronniarde… Le Gecko est fermé, mais le Bar des mis est ouvert, de l’autre côté de la rue. En voilà un qui revient une bière à la main. L’association a installé une machine à popcorn devant le petit supermarché. Elle réclame d’être photographiée, je l’entends de suite ! Parlé d’Emmanuel Lévinas avec l’ancien professeur de philosophie d’Olga.

Nyons, lundi 30 août

Revu Stalker 40 ce soir, encore une fois. Le même émerveillement, depuis toujours. Tout y est beau : la forme, ou plutôt les formes, la langue, les personnages, les décors, et la force de l’espoir… Il donnerait presque envie de faire des photographies…

Pour le russe, j’ai décidé : je vais m’y remettre. Si Olga s’appelle Olga ce n’est pas pour rien. Vingt-deux ans de rouille à décrasser…

On m’a souvent demandé ce que signifiait la Zone, ce qu’elle symbolisait, et on m’avançait les suppositions les plus invraisemblables. Je deviens fou de rage et de désespoir quand j’entends ce genre de questions. La Zone ne symbolise rien, pas plus d’ailleurs que quoi que ce soit dans mes films. La Zone, c’est la Zone. La Zone, c’est la vie. Et l’homme qui passe à travers se brise ou tient bon. Tout dépend du sentiment qu’il a de sa propre dignité, et de sa capacité à discerner l’essentiel de ce qui ne l’est pas.

– Andreï Tarkovski, Le Temps scellé 41

 

 


1 Frédéric Lecloux, « Territoires du cinématographe I », blog Aux Bords du cadre [en ligne], 17 février 2020. Disponible sur https://www.fredericlecloux.com/territoires-du-cinematographe-i/. Consulté le 26 août 2021.
2 Noël Fuzellier (réal.), Mars Colony [film], Les Films Norfolk (prod.), 35 min. 2020.
3 Nalin Pan (réal.), Samsara [film], Pandora Filmproduktion (prod.), 145 min. 2001.
4 La chronologie du groupe Gong est disponible en ligne sur http://www.calyx-canterbury.fr/gong/chrono.html. Consulté le 26 août 2021.
5 Barry Levinson (réal.), Good Morning Vietnam [film], Touchstone Pictures (prod.), 120 min, 1987.
6 James Cameron (réal.), Titanic [film], 20th Century Fox (prod.), 195 min, 1997.
7 Quanan Wang (réal.), La Femme des steppes, le flic et l’oeuf [film], Diaphana Distribution (distr.), 100 min., 2020.
8 Marc Riboud, Chines, Paris, La Martinière, 2019.
9 Brigitte Govignon, La Petite Encyclopédie de photographie, Paris, La Martinière, 2004.
10 Marc Riboud, Algérie Indépendance, Marseille, Le Bec en l’air, 2009.
11 Mike Brodie, A Period of Juvenile Prosperity, Santa Fe, Twin Palms, 2012.
12 Marc Riboud, Chine, Instantanés de voyage, Paris, Arthaud, 1980 et Marc Riboud, Quarante ans de photographie en Chine, Paris, Nathan, 1996.
13 Marie Sengel (textes), Franck Pource (photographies), De Gré ou de force, Marseille, éditions P’tits Papiers, 2007.
14 Jia Zhangke (réal.), Les éternels [film], Huanxi Media Group Limited (prod.), 135 min., 2018.
15 Šarūnas Bartas (réal.), Indigène d’Eurasie [film], Studi Kinema (prod.), 110 min., 2010.
16 Steven Spielberg (réal.), Duel [film], Universal Television Group (prod.), 85 min., 1971.
17 Jean-François Laguionie (réal.), L’Île de Black Mór [film d’animation], Dargaud Marina (prod.), 85 min., 2004.
18 Henry Selick (réal.), Coraline [film d’animation], Laika (prod.), 100 min., 2009.
19 James Whale (réal.), Frankenstein [film], Universal Pictures (prod.), 71 min., 1931.
20 Guillermo del Toro (réal.), The Shape of Water [film], Bull Productions (prod.), 123 min., 2017.
21 Me relisant le 16 août 2021, je peux imaginer ce qu’il est devenu.
22 Jean-Christian Bourcart, L’Oiseau noir perché à droite dans ma tête, Marseille, Le Bec en l’air, 2019.
23 Frédéric Lecloux, « Territoires du cinématographe VII », blog Aux Bords du cadre [en ligne], mai 2021. Disponible sur https://www.fredericlecloux.com/territoires-du-cinematographe-vii/. Consulté le 26 août 2021.
24 Archi 20-21, « Rénover. Espace Louis Nodon, Vernoux-en-Vivarais (Ardèche). Descriptif opération. » [en ligne]. Disponible sur https://www.archi20-21.fr/edifices/espace-louis-nodon/descriptif-operation/. Consulté le 26 août 2021.
25 Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), « Contribution du Groupe de travail I au sixième Rapport d’évaluation » [en ligne], IPCC, 2021. Disponible sur https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/. Consulté le 26 août 2021.
26 Franck Michel, Désirs d’ailleurs, Paris, Armand Colin, coll. « Chemins de traverse », 2000.
27 Pascale Paulat, Christophe Postic, « Éditorial », États généraux du film documentaire de Lussas, 33e édition, p. 1. Disponible en ligne sur http://www.lussasdoc.org/medias/manager/egd/2021/2021EGD_pre_prog_def.pdf. Consulté le 26 août 2021.
28 « William Eggleston, Memphis, octobre 2001 », in William Eggleston, Paris, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 2001.
29 Le programme est disponible sur la page Facebook du cinéma : https://www.facebook.com/AepJeanBecque. Consulté le 26 août 2021.
30 Agnese Làposi (réal.), La Patience des vignes [film], Ardèche Images, Université Grenoble Alpes (prod.), 15 min., 2021.
31 Hélène Châtelain (réal.), Nestor Makhno, un paysan d’Ukraine [film], 13 Productions (prod.), 58 min, 1995.
32 Frédéric Lecloux, « Territoires du cinématographe II », blog Aux Bords du cadre [en ligne], 4 mars 2020. Disponible sur https://www.fredericlecloux.com/territoires-du-cinematographe-ii/. Consulté le 26 août 2021.
33 Jean-Robert Dantou, Mathias Nouel, Florence Weber, Thibaut Menoux (dir.), Pour une alliance entre photographie et sciences sociales, VU’ Éducation (autoédition), 2020.
34 Frédéric Lecloux, « Il est possible de faire moins d’images. Une conversation avec Jean-Robert Dantou », blog Aux Bords du cadre [en ligne], 26 septembre 2016. Disponible sur https://www.fredericlecloux.com/il-est-possible-de-faire-moins-dimages/. Consulté le 26 août 2021.
35 Robert Bresson. Notes sur le cinématographe, Paris, Gallimard, coll. « Folio », 1995.
36 Louis Malle, L’Inde fantôme. Carnet de voyage, Paris, Gallimard, coll. « Blanche », 2005.
37 Jean-Luc Nancy, Partir-Le départ, Paris, Bayard, coll. « Les petites conférences », 2011, p. 30.
38 Hans Magnus Enzenberger, Le bref Été de l’anarchie, Paris, Gallimard, coll. « L’Imaginaire », 2016 [1975].
39 Benjamin Renner, Patrick Imbert (réal.), Le grand méchant Renard et autres contes [film d’animation], Panique (prod.), 80 min., 2017.
40 Andreï Tarkovski (réal.) Stalker [film], Mosfilm (prod.), 163 min. 1979.
41 Andreï Tarkovski, Le Temps scellé, Paris, Philippe Rey, 2014, p. 232.


Photographie : Projection en plein air, Mirabel-aux-Baronnies, Drôme, 26 août 2021