Nous travaillons pour la liberté


Notes sur deux photographies de Manu Brabo

Qu’est-ce qu’un récit ?
Cette chose qu’on appelle récit ?
A-t-elle lieu ? Où et quand ?
Quel serait l’avoir-lieu ou l’événement d’un récit ?

– Jacques DERRIDA (1)

 

« Si je prends une image ici, est-ce que je fais du mal à quelqu’un ? » La question est citée en titre d’un article consacré au photojournaliste Manu Brabo dans le quotidien The Guardian (2) en mai 2016, et mentionnée comme s’étant posée à lui au sujet de la Syrie. Article en appendice duquel Manu Brabo est invité à commenter certaines de ses images les plus fortes.

La première de ces images représente un homme accroupi dans la poussière tenant dans ses bras un enfant couvert de sang, un véhicule à l’arrière-plan. C’est une image dure sur laquelle on peut souhaiter ne pas s’attarder. Mais si l’on soutient la confrontation, derrière sa violence ne tarde pas à transpirer son ambiguïté.

Le contexte photojournalistique étant établi, c’est en me disposant à accepter certaines conventions, et en puisant dans mon bagage culturel et sensible certains choses que je pense ou crois savoir sur les représentations photojournalistiques de la guerre, que je m’apprête à lire cette image.

Ainsi, avant même la lecture de la légende ou du commentaire, je suis incité à croire que l’intervention du photographe, son acte d’enregistrement du réel, s’est borné peu ou prou à avoir souhaité être là, à avoir cadré et à avoir déclenché. Peu ou prou, car le bagage dont je me suis armé pour lire cette image inclut pour ma part jusqu’à la possibilité d’imaginer et d’accepter par exemple que le photographe ait prié l’homme de se positionner un peu plus comme ceci ou comme cela, ou demandé à un intrus de sortir du champ, voire que ce soit l’homme, ayant secouru cet enfant, qui ait demandé au photographe de prendre cette image pour que ce drame s’extraie du néant et trouve une dimension médiatique. Je ne pense pas que Manu Brabo ait rien fait de pareil ici, mais à partir du moment où il a décidé que le récit de cet instant vécu par lui devait avoir lieu sous forme d’une photographie, s’il avait fait ou accédé à quelque chose de cet ordre pour obtenir son image cela ne me choquerait pas : ce n’eussent point été selon moi des interventions sur le réel plus intrusives que l’acte de cadrer, de choisir la couleur ou le noir et blanc, le sel d’argent ou le pixel, ou de pousser les contrastes au développement. Cette image resterait pour moi ce qu’elle est : une image présentée comme entrant dans le champ du photojournalisme, c’est-à-dire née de la volonté de témoigner, quelque complexe que soit cette volonté. Elle n’en dénoncerait pas moins ce qu’il y a à dénoncer : la souffrance infligée à un enfant (et probablement sa mort), et la douleur d’un homme (probablement son père) face à cette souffrance ou cette mort – probablement car, malgré le sang qui macule l’enfant et l’affliction de l’homme qui le porte, rien dans l’image ne permet d’affirmer sans équivoque que l’enfant soit mort ni qu’il soit porté par son père et non par son oncle ou qui que ce soit d’autre. Cela ne change rien au fait que cela n’aurait pas dû se produire, mais du point de vue journalistique, ce n’est pas la même chose.

La légende alors dit : « Une jeune victime du conflit en Syrie, près de l’hôpital Dar El Shifa d’Alep, le 3 octobre 2013 ». (3) Si elle en précise le lieu, la légende ne dit pas davantage que l’image si l’enfant est mort (le mot de « victime » peut aussi signifier que l’enfant est blessé), ni si c’est son père qui le porte.

Vient alors le commentaire, que voici en intégralité, et où l’on retrouve la question liminaire :

« Le garçon n’avait pas plus de dix ans ; il avait été atteint à la poitrine par un tireur isolé. J’étais à l’hôpital quand il est arrivé. Je prenais le petit déjeuner avec des docteurs, je faisais quelques images. J’étais en train de parler aux volontaires à l’extérieur quand soudain j’ai vu cet homme sortir de la consultation, portant son enfant qui était manifestement mort. J’ai pensé qu’il allait craquer ; donc je l’ai suivi, et au bout de quelques mètres il a craqué. Il s’est accroupi, il avait besoin d’un peu d’espace pour commencer son deuil.

C’était une chose terrible à voir et un moment terrible pour lui ; ç’a dû être le pire moment de sa vie. Vous vous dites : “Si je prends une image ici, est-ce que je fais du mal à quelqu’un ?”. Mais il n’y a pas d’autre moyen de faire ce métier : pour prendre des images, il faut être là au bon endroit, face à quelqu’un. Ma manière, c’est de prendre l’image très vite, le plus vite possible, et puis de libérer le terrain. La vérité, c’est que cet homme ne m’a probablement même pas remarqué ; mais moi je savais que j’étais là, et je ne voulais pas rendre les choses encore plus pénibles pour lui. Ce genre de photographies n’est pas quelque chose que je fais facilement ou à la légère. En la prenant j’ai pensé : cette image va raconter une histoire forte. Peut-être que cette image peut dire beaucoup sur la guerre en Syrie : je pense que oui. » (4)

Moi, je pense que non.

J’avais cité naguère ces mots de Luc Delahaye dans un texte essayant de démêler les débats sur la manipulation de l’image ressurgis après l’édition 2015 du concours World Press Photo (5), mais rappelons-les : « il me semble important de comprendre qu’une photo est avant tout le document, la trace de l’expérience du photographe, de sa présence essentielle et contingente. La photographie est phénoménologique. S’il ne voit pas ça, le photographe se condamne à jouer sur un terrain qui n’est pas le sien mais celui du peintre, de l’écrivain, là où il n’aura jamais vraiment la main. » (6)

Partant, considérée dans son contexte journalistique et guerrier, je pense qu’en tant que telle cette image ne dit que ceci : il y avait là un homme portant un enfant blessé ou mort et un photographe muni d’un appareil photo, lequel a posé un cadre autour de la scène et a enregistré la lumière réfléchie par le réel contenu dans ce cadre. Rien d’autre. Ce n’est ni bien ni mal, ni trop ni trop peu. C’est. C’est la trace de l’expérience, à cet instant-là, de l’homme muni de l’appareil, prenant une image d’un homme vivant tenant un enfant peut-être mort. Elle ne dit rien sur cet homme ni sur cet enfant, et certainement pas leur histoire ni leur drame. Rien non plus sur la guerre particulière de Syrie. Toutefois, du peu que dit cette image peut être déduit un peu plus. Attestant par son existence et les informations entourant sa diffusion qu’un photographe l’a prise, elle dit que ce photographe en a pris du même coup la responsabilité (responsabilité qu’il peut reconnaître ou non – cela est une question extérieure à l’image). Elle dit alors que le photographe a placé le devenir-image de cette scène au-dessus de son non-devenir-image, qui était l’autre choix possible mais écarté. Elle ne dit pas incontestablement si un choix était meilleur que l’autre ni si le choix opéré l’a été au détriment de quelqu’un (peut-être des éléments périphériques le diront-ils). Elle dit juste que le choix a été fait par le photographe qu’il y ait quelque chose de représenté plutôt que rien. Enfin, étant donné le contexte public du lieu de sa lecture – le site Internet d’un média de grande diffusion –, elle dit que le choix subséquent a été fait que ce quelque chose soit disséminé.

Tout cela, l’image le dit ou ne le dit pas : seule, c’est-à-dire simplement : existant et étant montrée – certes dans le contexte déjà déterminant du site de ce journal, mais sans le truchement du commentaire ni d’aucun autre texte. Or comme nous avons maintenant lu ce commentaire, nous pouvons augmenter notre lecture de nouvelles strates de sens inférées de cette lecture.

Et d’abord afin d’essayer de clarifier (ce) qui est photographié. Manu Brabo parle d’un homme « portant son enfant qui était manifestement mort » (c’est moi qui souligne), ayant « été atteint à la poitrine par un tireur isolé ». Pour savoir que c’était son enfant et les causes de ses blessures, le photographe a bien dû poser la question. Pas à l’homme : je le crois volontiers quand il dit que celui-ci « ne l’a sans doute pas vu » et j’ai tendance à en déduire qu’il ne lui a pas non plus parlé, même plus tard. Peut-être alors aux médecins de l’hôpital ? Mais pourquoi la question de la mort de l’enfant reste-t-elle alors indécidable ? En effet, ce « manifestement mort » contient une précaution prise par le photographe contre une éventuelle erreur d’appréciation. De cette prudence il est aisé de déduire que dans la légende le mot « victime », renvoyant à différents signifiés plus ou moins graves, a également été utilisé à dessein par une précaution similaire. Tout ceci porte à croire que le photographe n’a pas vérifié cette question. Et s’il l’a fait, son allégation manque pour le moins de précision. Pas plus de raison alors que soit indubitable l’affirmation selon laquelle ce serait son propre enfant que l’homme tient dans ses bras. Ainsi ce commentaire me laisse à penser que le photographe ne sait foncièrement pas ce qu’il photographie. Ce qui n’est pas dommageable dans l’absolu : beaucoup de photographes ne savent pas exactement ce qu’ils photographient – mais dans les meilleurs des cas ils n’affirment pas l’inverse (souvent car l’enjeu est ailleurs). Cela devient pourtant problématique lorsque le photographe affirme espérer que l’image procédant de cette éventuelle ignorance dise des choses sur la réalité précise de la guerre en Syrie, et l’est plus encore eu égard au chapeau de l’article : « Alors que le cessez-le-feu en Syrie est en train de céder, le photographe Manu Brabo, lauréat de plusieurs prix, soutient que les photographies sont une manière vitale de faire entendre la vérité » (7). La vérité… Encore elle… On n’en aura donc jamais fini, de cette fichue vérité qui refait surface chaque fois qu’il est question de photojournalisme. Combien de temps faudra-t-il encore écrire que même si l’image est limpide et la légende irréprochable, à partir du moment où le photographe cadre, la vérité disparaît au profit de l’interprétation ? De plus, « les photographies » cela ne veut rien dire. Il y a de nombreux champs de la création photographique qui échappent par avance au malentendu de la vérité. Les photographies, au hasard, de Marcel Mariën, Hervé Guibert ou Sarker Protick n’y donnent par exemple pas prise. Elles sont certainement « des manières vitales » – mais de faire entendre une voix, pas la vérité. Elles sont des unités de langage. Des sèmes. Participant d’un propos construit, animé par un but qui put éventuellement revêtir pour leur locuteur une forme de vérité, mais pour lui seul, où le lecteur reste libre de prendre ce que bon lui semble. Cela dit, je suppose bien que c’est plutôt des images photojournalistiques dont il est question dans l’affirmation « les photographies sont une manière vitale de faire entendre la vérité ». Mais cela ne change rien. Elles sont une parole parmi d’autres, donnant une vision parmi d’autres. Rien de plus. Comment penser qu’il y aurait « une » vérité en Syrie, en Libye ou ailleurs ? Et de plus ici, même si l’on croyait à « la vérité », où faudrait-il la chercher, puisque le photographe entretient le flou sur ce qu’il montre ? Cela dit, même si humainement ce n’est pas un détail – je préférerais que l’enfant soit vivant –, par rapport aux autres problèmes que pose cette image, cette question sémantique dissimulant une possible imprécision n’est pas la plus importante.

Ces autres problèmes ne concernent plus ce que l’image dit ou non de la guerre en Syrie, mais bien ce qu’elle dit sur elle-même en tant qu’image et sur pourquoi elle existe.

L’image existe parce que la scène dont elle livre une vision a existé, et parce qu’à la question qu’il nous dit s’être posée face à cette scène, « si je prends une image ici, est-ce que je fais du mal à quelqu’un ? », le photographe a apporté une réponse qui lui a moralement permis de déclencher. Réponse ayant pu être par exemple : oui, je fais du mal mais je prends l’image quand même (ne considérons pas cette possibilité). Ou : non, je ne fais pas de mal donc je la prends. Ou encore : je ne sais pas si je nuis ou non, mais malgré ce doute je la prends. Ce qui s’est vraiment passé dans sa tête, nous ne le savons pas et lui peut-être non plus. En tout cas ce qu’il fournit au lecteur c’est une réponse tournant autour du pot : « il n’y a pas d’autre façon de faire ce métier : pour prendre les images il faut être là, au bon endroit, face à quelqu’un. (…) La vérité, c’est que cet homme ne m’a probablement même pas remarqué. » Où il ne répond en fait pas à la question de savoir s’il fait du mal à quelqu’un, s’abritant derrière le fait qu’il n’a sans doute pas été vu, et se borne à réaffirmer que la photo doit être prise, car c’est la seule manière de faire ce métier. Je crois au contraire que ne pas prendre l’image fait partie des excellents moyens d’être photographe. Je l’ai déjà dit souvent, sur ce blog et en situation d’enseignement. Je crois alors que « l’histoire forte » ç’aurait pu être de prendre cet homme non en photo mais dans ses bras pour qu’il ne pleure pas seul, de prier pour lui si l’on croit à la prière, de ranger son appareil et de s’éclipser doucement pour le laisser à son deuil, de l’aider à se relever, d’aller acheter une pelle, que sais-je : mais pas de prendre l’image puis de « libérer le terrain ».

On peut aussi lire la question sous un angle légèrement différent, à la lumière de la notion d’empathie que Manu Brabo convoque dans la première partie de l’article. Enlevé en Lybie en 2011 et détenu pendant plusieurs semaines par des fidèles du Colonel Khadafi, de cet événement il dit ceci : en captivité, « j’ai eu tout le temps de réfléchir à ma vie, à mes objectifs, à ce que je voulais faire. (…) Je peux aisément être empathique à présent. Dans mon travail, il faut une capacité à l’empathie – mais comment peut-on ressentir la douleur de l’autre si on n’a aucune idée soi-même de ce qu’est la douleur ? Maintenant j’ai une certaine idée, j’ai au moins une idée de ce que c’est de souffrir » (8).

L’empathie, cette capacité de ressentir les sentiments d’autrui et de se mettre à sa place, et ce que chacun en fait, varient d’une personne à l’autre. J’imagine que plusieurs personnes ressentant de l’empathie face à une même situation peuvent en induire des réactions différentes. L’empathie pourrait ici par exemple conduire à déclencher (pour témoigner, avec l’espoir que cela n’arrive plus) ou à ne pas déclencher (pour laisser l’homme en paix). Ainsi, cherchant à répondre à sa question, à l’instant précédent celui de passer à l’acte, peut-être le photographe s’est-il dit, plutôt que simplement oui, non ou peut-être : si je déclenche, certes il est possible que je fasse un peu du mal à cet homme en me servant de lui au pire moment, mais pas assez pour que mes dispositions à l’empathie me dictent de ne pas déclencher, et cette image témoignera de l’horreur de la guerre et aidera à la faire taire, donc je vais déclencher. C’est une possibilité. Une autre est qu’il se soit dit : non, je ne fais de mal à personne, je me mets à la place de cet homme portant cet enfant, et de la famille de cet enfant dont l’homme fait peut-être partie, et sincèrement, je ressens l’acte imminent de prendre cette image comme un geste d’empathie à leur endroit, et je pense qu’ils souhaiteraient et accepteraient de faire bientôt partie (si je leur en laissais le choix) du document de l’expérience vécue par moi à cet instant-là et à cet endroit-là, attendu que ce document, du fait du consentement que je donnerai à mon agence en vue de sa diffusion internationale s’il répond à mes attentes (« raconter une histoire forte » et « dire beaucoup sur la guerre en Syrie »), deviendra un document public, c’est-à-dire un outil potentiel de communication et de politique, c’est-à-dire un outil potentiel de propagande. Toutes raisons pour lesquelles je vais déclencher. Peut-être. Peut-être autre chose encore. Nous ne saurons pas. Mais il a déclenché.

En fait la question « si je prends une image ici, est-ce que je fais du mal à quelqu’un ? » est incomplète. Il lui manque la dimension des possibles interactions avec l’autre, qui ouvrirait autant de sous-questions : fais-je du mal si je prends l’image sans être vu ? en étant vu mais sans avoir demandé l’autorisation ? en ayant demandé l’autorisation mais sans l’avoir obtenue ? en l’ayant obtenue mais en ayant pris trop ou trop peu de temps avec cet homme pour le photographier ?, etc. – et surtout, en combinant chacune de ces possibilités avec la question suivante, négligée par Manu Brabo mais cruciale : si je publie l’image, fais-je du mal ? Le photographe signalant que cet homme ne l’a « probablement même pas remarqué », sans dire qu’il ne lui a pas parlé, comme suggéré plus haut il ne nous donne guère d’élément pour penser le contraire. Dès lors la question complète aurait pu être : « si je prends une image ici, sans autorisation et sans être vu, et que je la publie, est-ce que je fais du mal à quelqu’un ? »

Je ne peux pas parler à la place de Manu Brabo car je n’étais là. Je ne peux rien dire sur lui, que je ne connais pas. Je peux juste éprouver un sentiment en le lisant. Et ce sentiment c’est qu’il ne s’est pas posé cette question complète, parce qu’il voulait sa photo. C’est ce que j’entends quand il dit : « J’ai pensé qu’il allait craquer ; donc je l’ai suivi, et au bout de quelques mètres il a craqué », où ce « donc » sonne comme une sentence.

Alors, ce que la photographie seule ne permettait pas de dire tout à l’heure, le récit formé par l’image et le commentaire le dit à présent : le photographe a placé le devenir-image de cette scène – et en l’occurrence une image signée de son nom, devenue publique, participant à sa construction en tant que photographe – au-dessus de son non-devenir image, et au-dessus de l’avis de cet homme sur sa participation à ce devenir-image. Son édification au-dessus de sa présence au monde. Son intention au-dessus du silence. Pensant du faire œuvre d’information.

Je ne sais si cette image et ce commentaire ont fait du mal à quelqu’un d’autre qu’à un lecteur, mais si j’étais ce père et que c’était mon fils et que je découvrais cette image où que ce soit, je n’aurais de cesse de rechercher son auteur et de lui demander de la faire disparaître, dussé-je y consacrer ce qu’il me reste de temps de vie. Et s’il ne voit « pas d’autres moyens de faire ce métier », eh bien qu’il en invente, ou qu’il en choisisse un autre.

 

*

Cette langue dans notre bouche était parfaite, syntaxiquement parfaite.
La correction était totale et pourtant
l’usage de la langue était complètement faussé et défiguré.
Ce n’était pas une langue vivante, c’était comme une langue morte.

– Édouard GLISSANT (9)

 

Une autre image issue de cette sélection commentée représente un mur transpercé d’un trou par lequel on voit un homme qui court, un véhicule armé en partie caché par le mur, et ce que je distingue comme étant un bout de palissade, la légende dit : à « Syrte, Libye, le 7 octobre 2011 ». De ce contexte guerrier à nouveau, de la forme du trou et de la dissémination des impacts autour du trou, je déduis qu’il n’a pas été percé au marteau-piqueur mais par une explosion.

Cette image me pose un problème de statut. Elle ne me semble pas d’accord avec elle-même sur ce qu’elle est. Elle voudrait faire son travail d’image photojournalistique : informer. Mais elle y met tant de maladresse que c’est autre chose qui se passe. Pour paraphraser le titre d’un autre article de Jörg Colberg (10), elle a l’air d’avoir été « faite pour ressembler à ce à quoi doit ressembler une photographie » de conflit. On l’a toujours déjà vue à l’avance. Elle sent la quête de la « bonne photo ». Avec tout le respect que j’ai pour le travail de Jean-Christophe Béchet et Sylvie Hugues, qui ont pendant vingt-deux ans construit avec patience et pédagogie un lien sensible entre le public des photographes dits amateurs et le travail de ceux qui ont fait du médium le langage viscéral de leur rapport au monde, cette image de Manu Brabo me rappelle le côté un peu scolaire de certaines livraisons de la rubrique « vos photos à la une » de feue l’ancienne version de Réponses Photo. Rubrique qui fut pour nombre de ces photographes amateurs, dont l’auteur de ces lignes, un des tout premiers signes de reconnaissance du milieu. C’était l’époque où me fascinait le livre de Galen Rowell, Mountain Light: In Search of the Dynamic Landscape, et par exemple cette image représentant un arc-en-ciel au-dessus du palais du Potala à Lhassa, Tibet, où l’on sent bien qu’elle fonctionne parce que le photographe a travaillé à ce que l’arc-en-ciel tombe au bon endroit. La posture de Manu Brabo est similaire ici : avant même la lecture de son commentaire, la photo dit que le photographe a attendu la survenance d’un événement à la fenêtre du trou pour rendre son image dynamique. Pourquoi a-t-il fait cela ? Parce que sans cet événement, il n’y aurait pas eu d’image, c’est-à-dire pas d’image « ressemblant à ce à quoi doit ressembler une image de conflit », et donc vendable comme telle, et donc justifiant l’envoi ou la présence d’un photographe étranger en Libye. Chez Galen Rowell, c’est pareil : sans l’arc-en-ciel, il y a une image que n’importe quel voyageur pouvait prendre. Avec l’arc-en-ciel, il y a une image correspondant à ce à quoi devait ressembler une excellente photographie de voyage selon les codes de l’époque (1981), le National Geographic Magazine pour arbitre de leur validité. Chacun a ainsi fait son travail. La différence, mineure, avec Galen Rowell c’est que ce dernier n’a pas attendu que l’arc-en-ciel coiffe joliment le palais du Potala : il a traversé Lhassa en courant pour se positionner à l’endroit d’où il savait pouvoir prendre la photo qu’il voulait. Il est sans doute prudent de la part de Manu Brabo de n’avoir pas couru lui aussi aux côtés de l’homme qu’on voit à travers le trou car ici, il ne s’agit plus d’un paysage relativement inoffensif mais de lieux où l’espérance de vie d’un humain ne dépasse pas quelques minutes, commandant donc de la mesure dans la prise de risque.

Or justement : j’en veux d’autant plus à Manu Brabo qu’en effet ce n’est pas rien d’aller à la guerre, surtout quand on vient d’être libéré de plusieurs semaines de détention après un enlèvement. Cela me fait penser à ce que Serge Daney écrivait du travelling de Kapo, de Gilles Pontecorvo (11) : « Imaginant les gestes de Pontecorvo décidant du travelling et le mimant avec ses mains, je lui en veux d’autant plus qu’en 1961, un travelling représente encore des rails, des machinos, bref un effort physique. » (12) De la même manière, j’en veux à Manu Brabo mais pas uniquement pour avoir esthétisé un trou d’obus dans un mur. Je lui en veux d’avoir risqué sa vie pour juste cela, pour cette image qui, n’était le contexte guerrier, semble répondre à un exercice de composition académique (« ce week-end le thème c’est le cadre dans le cadre »), ou valider les conseils d’un article sur comment réussir ses photos de voyage. Et je lui en veux surtout d’avoir donné à cette image une vie publique en la faisant passer pour ce qu’elle n’est pas. Car en effet, une autre différence avec Galen Rowell c’est que Manu Brabo croit à un contrat le liant aux faits, tandis que Galen Rowell n’obéit qu’à un contrat le liant à la beauté (ou à une certaine vision de la beauté d’un paysage himalayen en 1981). Ainsi, l’un et l’autre ici font peut-être leur travail, mais avec des fortunes opposées. L’un le fait par amour du beau et libre à chacun de décider s’il y réussit, l’autre par foi en l’information et en tout état de cause y échoue.

Pourquoi cet échec ? Il ne s’agit pas du tout de critiquer le fait que Manu Brabo ait « manipulé » la réalité. Oui, il l’a manipulée. Photographiant, chacun la manipule, tout le temps. Considérer qu’est possible un enregistrement neutre et froid des faits est l’impasse dans laquelle s’enferrent les praticiens d’une ligne dure du photojournalisme où du reste je ne sais comment ils se sont fourrés avec autant d’obstination. Je pense que du point de vue du rapport aux faits, attendre qu’advienne quelque chose de l’autre côté du trou en prétendant documenter la guerre n’est pas plus ou moins choquant que de photographier son cousin dans la voiture sur un parking de Charleroi faisant l’amour avec sa compagne en prétendant documenter la misère sociale de la ville (13) – ni même, encore une fois, que de choisir un cadre. Y voir un problème d’éthique journalistique serait une preuve pathétique soit de malhonnêteté soit d’ignorance. Le problème n’est pas qu’il ait fait cela (attendre que quelque chose se passe de l’autre côté du trou) mais qu’ayant fait cela, il n’y ait pas d’image pour autant. Ou plutôt si, il y a manifestement une image, mais qui ne dit rien de plus que la description du modus operandi de sa réalisation : attendre derrière un trou, – donc il n’y a pas de photographie : pas d’enjeu, pas de faits rapportés, pas d’information, en somme pas de photographe non plus. Oui, à la guerre des gens courent de l’autre côté des murs et si l’on regarde par les trous d’obus dans les murs, on peut les voir. La belle affaire ! Le monde avait besoin qu’un jeune homme risque sa vie pour nous apprendre ça !

Un peu plus loin dans le texte cité ci-dessus Serge Daney dit, en parlant de ce monument kitsch de l’indécence occidentale des années 80, le clip vidéo de la chanson « We are the World », qu’il aimerait que le spectateur en conçoive de la « honte d’être considéré comme avoir à être esthétiquement séduit là où rien ne relève que de la conscience – même mauvaise – d’être un homme et rien de plus. » Mort prématurément en 1992, Serge Daney avait très bien compris à quoi ressemblerait l’image du siècle suivant. Cela me permet de préciser mon dépit : j’en veux à Manu Brabo non seulement parce qu’avoir pris cette image n’a pas de sens du point de vue du risque encouru, non seulement l’avoir diffusée n’en a pas non plus du point de vue de l’information apportée sur la guerre en Libye, mais par surcroît, considérant de façon infantilisante et cynique que son lecteur est censé être séduit et informé par cette vacuité, Manu Brabo le prend pour un imbécile, et le met dans une position intenable engendrant exactement cette honte dont parle Serge Daney.

Le problème que me pose cette image échouant à naître est donc d’ordre moral, ce que me semble confirmer son commentaire. Le voici en intégralité :

« Nous venions d’arriver dans ce district à Syrte et il y avait une villa d’où les soldats entraient et sortaient. En sortant j’ai vu ce trou dans le mur, et je l’ai trouvé très beau – c’était un trou provoqué par une explosion. J’ai regardé à travers, je pouvais voir la route, c’était la route vers la ligne de front, de sorte qu’y régnait une activité importante ; alors j’ai décidé d’attendre et de voir ce qui allait se passer, et alors cet homme est passé en courant, et j’ai eu ma photo. » (14)

« J’ai eu ma photo ». Mais quel est ce métier ? Quel est ce métier qui consiste à aller à la guerre de son plein gré pour attendre derrière un trou d’obus dans un mur qu’un milicien passe en courant de l’autre côté de l’encadrement formé par le trou dans le mur et prendre une image, revenir vivant, dire que cela raconte la guerre, en tirer subsistance – et enfin faire tout cela au nom de « la liberté », il ne manquait plus qu’elle et, tant qu’on y est, travaillant « pour un monde meilleur » (15) ?

Parallèlement à l’écriture de ce texte, j’ai lu l’Introduction à une poétique du divers, d’Édouard Glissant. Ce recueil d’actes de conférences et d’entretiens ne parle pas de photographie. Il n’y est pourtant question que de langage. Or bien des pensées d’Édouard Glissant sur les langues me traversent et ressortent appliquées au langage de la photographie. J’y vois, peut-être naïvement mais essayons quand même, un outil d’analyse possible.

Si l’on considère un instant le photographe comme locuteur d’une langue, dire : « nous travaillons pour la liberté, pour un monde meilleur » (où, comme suggéré plus haut, « nous », ce seraient plutôt les photojournalistes, mais pas par exemple Stéphane Duroy, Jean-Luc Mylayne ou Tiane Doane Na Champassak – je sens peut-être à tort une exclusion dans ce « nous »), cela reviendrait à dire (laissons l’exclusion de côté) : les népalophones ou les persanophones travaillent pour la liberté, pour un monde meilleur. C’est d’abord très prétentieux, et puis cela n’a aucun sens. C’est la façon dont chacun utilise le langage qui travaille dans une direction ou une autre, pas la communauté de ses locuteurs. Une langue peut véhiculer un combat pour la liberté comme promouvoir la ségrégation d’une minorité. Il devrait être de la liberté de tout locuteur d’utiliser sa langue, mais cela reste fréquemment une lutte pour laquelle des êtres humains sont morts et mourront sans doute encore. Les photojournalistes, pas plus que les locuteurs du mandarin ou de l’arabe, ne travaillent, absolument, pour la liberté. La photographie, y compris journalistique, est quotidiennement mise au service du mensonge, par exemple sur les réseaux sociaux, comme le rappelle Jörg Colberg dans son récent article sur la manipulation (16). En poursuivant ce parallèle entre langages, dire : « les photographies sont une manière vitale de faire entendre la vérité », cela reviendrait à dire : le subjonctif imparfait en français ou les particules séparables en flamand « sont une manière vitale de faire entendre la vérité ». C’est absurde. Les unités d’un langage peuvent aider à faire émerger la vérité provisoire d’un auteur, « ce mal nécessaire » (17), tout autant qu’elles peuvent alimenter la tromperie.

Alors, coincée entre son besoin d’être belle, son combat pour la liberté et son injonction à raconter la vérité, cette image meurt, étouffée par la rigidité de tant d’obligations.

Toujours dans le livre d’Édouard Glissant on peut lire ces mots – peut-être une piste pour s’acquitter du deuil de cette image morte, et pour que quelque chose de montrable la remplace et vive : les « romanciers socio-paysagistes comme [Raphaël] Tardon, comme [Joseph] Zobel […] me paraissent importants de ce seul point de vue qu’ils ont épuisé l’inventaire du réel et qu’on n’avait plus à faire cet inventaire du réel à la manière réaliste française. Leurs œuvres sont très importantes dans la mesure où elles nous ont débarrassés du souci de recommencer la peinture du réel. Si des écrivains comme [Aimé] Césaire ou [Léon-Gontran] Damas n’ont jamais fait cela, c’est que ça avait été fait avant eux. »

La photographie humaniste nous a fort bien « débarrassé du souci de recommencer la peinture du réel ». Le National Geographic aussi, dans une certaine mesure. De nombreux photographes l’ont compris : au hasard, Denis Dailleux, Sohrab Hura, Yusuf Sevinçli ou Steeve Iuncker… Il n’y a pas de raison que de tels photographes soient seuls à travailler à produire une vision du monde consciente de l’histoire du médium tout en la renouvelant, et que pendant ce temps s’agissant des conflits, le World Press Photo pour juge de la bienséance, tout un pan du photojournalisme se contente de rester bloqué à Patrick Chauvel, lequel nous a pourtant et depuis des lustres excellemment « débarrassé du souci de recommencer la peinture du réel » de la guerre.

Alors avant de travailler « pour la liberté » et « pour un monde meilleur », cette spécialité de la photographie se fixant pour but d’informer le monde sur la gravité de ses plaies devrait peut-être commencer par travailler à s’interroger sur ce qu’elle est et ce qu’elle n’est pas, ce qu’elle peut et ce qu’elle ne peut pas, et sur la temporalité de ces possibles, entre la vivacité sèche de l’événement et la lenteur poisseuse qui le précède et lui succède.

Pourquoi y rechigne-t-elle ? Parce que ce sont des questions complexes et inconfortables. Parce qu’il est plus raisonnable de poursuivre l’inventaire du réel. Kunda Dixit, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Nepali Times, réfléchissant à la couverture médiatique du tremblement de terre du 25 avril 2015 au Népal à l’occasion de son premier anniversaire, fournit peut-être une autre partie de l’explication : parce que « l’information est une marchandise du même acabit que ce qu’on nomme dans le jargon commercial des FMCG (“Fast-moving consumer goods” ou “biens de consommation courante”) – collectée, transformée, emballée et vendue comme une boisson gazeuse ou un pilon de poulet frit. [Et que] le marché étant principalement occidental, c’est cette réalité qui dicte ce qui est une information et ce qui ne l’est pas » (18).

Autrement dit, ces deux images de Manu Brabo existent, malgré leur échec à dire ce qu’elles prétendent dire, car telles sont les images que le public réclame. Ou à tout le moins, telles sont les images que les photographes sont amenés à penser que le public réclame, stimulés en ce sens par l’industrie qui j’espère au moins les nourrit. Si les photographes se mettaient à alimenter le marché d’images trop difficiles pour lui, ils perdraient leur travail. Nul ne le leur souhaite. Mais si les lecteurs cessaient de fréquenter ce marché, lassés d’être considérés comme devant accepter un joli trou dans un mur avec un homme qui court derrière comme une information, il faudrait bien alors que le marché se questionne sur sa pertinence, et avec les photographes, s’attaque à inventer une parole neuve.

 

 


(1) Jacques Derrida, Parages, Galilée 1986-2003, p. 121. cité par Maxime Decout, « Maurice Blanchot : une phénoménologie du récit », Cahiers de Narratologie [En ligne], 22 | 2012. Consultable en ligne sur : http://narratologie.revues.org/6572.
(2) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo on Syria: ‘If I take a picture here, am I hurting someone?’ », The Guardian, 3 mai 2016. Disponible en ligne sur : https://www.theguardian.com/global-development-professionals-network/2016/may/03/ceasefire-syria-award-winning-photographer-manu-brabo. C’est moi qui traduis.
(3) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. C’est moi qui traduis. Texte original : « A young victim of Syria’s conflict near Dar El Shifa hospital in Aleppo, 3 October 2013. »
(4) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. C’est moi qui traduis. Texte original : « The boy was no more than ten years old; he’d been hit by a sniper in the chest. I was at the hospital when he arrived, I was having breakfast with some of the doctors, and I took some pictures and was talking to the volunteers outside when suddenly I saw this man coming out of the surgery, holding his child who was obviously dead. I thought he was about to break down; so I followed him, and after a few metres he did break down. He crouched on the ground, wanting a bit of space to start to grieve.
It was a terrible thing to see and a terrible moment for him; it had to have been the worst moment of his life. You think to yourself, ‘If I take a picture here, am I hurting someone?’ But there’s no other way to do this job: to take pictures, you have to be right there, right in front of someone. What I do is to take my pictures really fast, as fast as I can, and then I get out of the way. The truth is, that man probably didn’t even notice me; but I knew I was there, I didn’t want to make things even worse for him. This sort of photography isn’t something I do easily or lightly. When I was taking this picture I thought: this picture will tell a big story. Maybe this picture can say a lot about the Syrian war: I believe it does. 
»
(5) D’abord lauréat d’un des prix du World Press Photo 2015 pour sa série sur Charleroi The dark Heart of Europe, Giovanni Troilo fut critiqué pour avoir mis en scène certaines de ses images, et finalement disqualifié pour avoir menti sur une légende. Cf. Frédéric Lecloux, « Son cousin dans la voiture », Aux bords du cadre, 21 mai 2015. Disponible en ligne sur: www.fredericlecloux.com/son-cousin-dans-la-voiture/.
(6) « Conversation avec Quentin Bajac », in Luc Delahaye, 2006-2010, Steidl, 2011. Disponible en ligne sur : http://www.nathalieobadia.com/artists/file_120_1.pdf.
(7) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. C’est moi qui traduis. Texte original : « As the ceasefire in Syria collapses, award-winning photographer Manu Brabo argues that photographs are a vital way of getting the truth out. »
Il faut par honnêteté signaler que cette prise de position n’est pas singularisée entre guillemets en tant que citation de la parole du photographe, et ne se retrouve pas en ces termes dans le corps de l’article. Ce raccourci est peut-être dès lors uniquement le fait de l’auteure de l’article. Le photographe avait toutefois certainement la possibilité de le faire corriger s’il ne s’y reconnaissait pas.
(8) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. C’est moi qui traduis. Texte original : « It gave me a lot of time to think about my life, about what I wanted to achieve and what I wanted to do. (…) I can be empathetic easily now. In my work, you have to be able to empathise – but how can you feel someone else’s pain if you have no idea yourself what pain is like? But now I have some kind of idea; I’ve got at least an idea about what it is to suffer. »
(9) Édouard Glissant, Introduction à une poétique du divers, Gallimard, 1996.
(10) Jörg, M. Colberg, « When pictures look like pictures made to look like pictures », Conscientious Photography Magazine, 7 décembre 2015. Disponible en ligne sur : http://cphmag.com/pictures-pictures-pictures/. Traduit par Frédéric Lecloux, « Quand les photos ont l’air de photos faites pour avoir l’air de photos », Aux bords du cadre, 15 décembre 2015. Disponible en ligne sur : www.fredericlecloux.com/quand-les-photos-ont-lair-de-photos-faites-pour-avoir-lair-de-photos/.
(11) Cet extrait vidéo a été mis en ligne par le magazine Cinéphylis, avec le commentaire suivant : « Kapo de Gille Pontecorvo est, en 1960, une des premières fictions à traiter des camps de concentration nazis. Dans un article des Cahiers du Cinéma, intitulé “De l’abjection” [n° 120, juin 1961, déjà cité dans ce blog], le critique et cinéaste Jacques Rivette éreinte le film. Il met notamment en cause un travelling avant sur le personnage d’Emmanuelle Riva qui vient de se suicider en se jetant sur des barbelés électrifiés. »
(12) Serge Daney, « Le travelling de Kapo », Trafic, n° 4, 1992, éditions P.O.L.
(13) Sur cette question de l’infraction aux codes du photojournalisme commise par Giovanni Troilo dans son travail sur Charleroi cf. note (5).
(14) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. C’est moi qui traduis. Texte original : « We’d just arrived at this district in Sirte and there was a villa, and the soldiers were coming in and out of it. And as I was coming out I saw this hole in the wall, and I thought it was very beautiful – it was a hole made by a blast of some kind. I looked through it and I could see the road, and it was the road to the frontline so there was lots of activity; so I decided to wait to see what happened, and then this man went running past and I got my shot. »
(15) Joanna Moorhead, « Photojournalist Manu Brabo… », op.cit. « Nous travaillons pour la liberté, pour un monde meilleur, voilà ce que nous devons garder à l’esprit. » C’est moi qui traduis. Texte original : « We are working for freedom, for a better world, and that’s what we have to keep in the front of our minds. »
(16) Jörg, M. Colberg, « Photojournalism and manipulation », Conscientious Photography Magazine, 27 juin 2016. Disponible en ligne sur : http://cphmag.com/pj-manipulation/. Traduit par Frédéric Lecloux, « Photojournalisme et manipulation », Aux bords du cadre, 3 juillet 2016. Disponible en ligne sur : www.fredericlecloux.com/photojournalisme-et-manipulation/.
(17) Jacques Rivette, « De l’abjection », Cahiers du cinéma, n° 120, juin 1961. Cf. note 12.
(18) Kunda Dixt, « Disastrous coverage », East-West, 20 avril 2016. Disponible en ligne sur https://archive.nepalitimes.com/article/editorial/disastrous-coverage-of-the-Nepal-earthquake,2988. C’est moi qui traduis. Texte original : « News is a product much like what is called FMCG in advertising parlance — to be gathered, processed, packaged and sold like a fizzy drink or fried drumstick. The market is mainly in the West, and that dictates the selection of what makes news. »


Photographie : Chez Anita Devi et Kisan Dev Mandal, assistante sociale et docteur, Lakhanthari, Sorabagh VDC, district de Morang, Népal, février 2016, série Népal-Qatar : le Vide et le plein.