L’autre nom d’une gratitude


En 2020, Denis et Solange Brihat m’ont demandé d’écrire un texte pour accompagner une exposition des images de Denis Brihat en Inde (1955-1956). J’ai le plaisir de voir ce texte publié avec un portfolio rassemblant dix de ces images, édité à compte d’auteur par l’artiste au début de l’année 2022. À l’occasion de cette parution, en voici les premiers paragraphes.

La suite est à découvrir dans le portfolio, disponible chez l’artiste.

Inde, 1955-1956. Un voyage d’une année, à petite allure, sans argent ou presque, les wagons de troisième classe pour véhicule, les temples pour auberge et les pèlerins pour compagnons : la vie, en somme… Présenté de la sorte, cela pourrait évoquer l’une de ces errances orientales que la jeunesse européenne commençait à priser à l’époque. Détrompons-nous. Nulle quête spirituelle ici. Nul phantasme de retour aux sources. En outre, rares étaient les beatniks des premières heures à s’encombrer d’une chambre Linhof et d’un Leica.

Était-ce alors un voyage s’inscrivant dans cette tradition documentaire qui savait célébrer ses maîtres, avec l’espoir bientôt d’en être ? On connaît les photographies de Margaret Bourke-White qui accompagne Gandi jusqu’à son assassinat en 1948. Et le séjour indien d’Henri Cartier-Bresson entre 1948 et 1950, tout à son obsession pour l’événement. Ou le voyage de Marc Riboud en 1956, parti par la route avec la propre Land Rover de George Rodger. Aurait-il voulu faire pareil, Denis Brihat ? Un voyage destiné à s’affirmer photographe, en racontant au public occidental les premières années de la jeune nation indienne ? C’est peu probable. L’homme est trop modeste et trop peu sûr de sa place. Alors, de quelle sorte fut-il, ce voyage ? De la plus simple : un besoin de changer d’air.